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PICASSO
Ce serait la faute du talent. L’être surhumain n’a plus le droit de rire
et même sera-ce peut-être son tour de ne plus comprendre.
Si M. Bergson se trompe lorsqu’il parle de l’œil, son exemple de la
main dans la limaille de fer n’en reste pas moins ingénieux, et lorsque
Mlle Ashford décrit le Cristal-Palace, son erreur lui inspire les plus
extraordinaires reliefs. Mais l’un et l’autre se mêlent de ce qui ne les
regarde pas.
Il importe donc de tenir Picasso, peintre qui ne se mêle jamais
que de ce qui le regarde, aussi loin des spéculations d’un Bergson que
des chances d’une enfant prodige.
Apollinaire appelait Pablo Picasso : Voiseau du Bénin. Le réalisme
supérieur de Picasso ne devra jamais être confondu avec la géométrie
harmonieuse par quoi un autre oiseau, Paolo Ucello, prétendait rem
placer la représentation du monde visible.
Voici donc écartés quelques épouvantails dressés entre Picasso et le
public. Délivrons-le aussi du terme cubisme.
L’auteur en est Henri Matisse. « Trop de cubisme! » s’écria-t-il, en
présence de toiles rapportées du Midi par Georges Braque. Elles repré
sentaient des groupes de maisons en forme de cubes. Il est donc faux
de comparer le terme (( cubisme » au terme <( impressionnisme », fils
légitime d’une toile de Claude Monet intitulée <( Impression ».
Cubisme fit voir des cubes où il n’y en avait pas et, avouons-le, en fit
paraître. N’oublions pas non plus, pour excuser la méfiance d’esprits
supérieurs et leur crainte d’être dupes, qu’une mystification peut
fort bien se trouver à l’origine d’une découverte. Les Muses sont des
personnes habituées aux égards. Manquez-leur et vous verrez comment
elles se vengent. Elles ne s’abaissent pas à la colère. Elles transforment
l’offense en prison. Souvent j’ai vu Picasso chercher à quitter leur
ronde sous les mains nouées. Ces tentatives rendent son attitude très
émouvante. Autant dire qu’il dessine alors (à sa manière), comme tout le