Volltext: 5(1923), Nov.-Déc. = Nr. 34 (34)

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FAITES YOS JEUX 
prolongé dans des promenades au bord du lac pour mieux saisir ses 
rayons pétris d’air et de pétulance. Plusieurs réunions de camarades 
qui n’avaient rien que leur gaieté à m’offrir, accommodées à nos soifs 
communes de légère dissolution mentale, au plaisir confus de donner 
l’alarme à nos émotions subites, trouvaient dans l’alcool l’équivalent inof 
fensif des stupéfiants naïvement redoutés. Mais le soleil s’ajustait au 
lendemain en chaînes et faisait vite s’arrêter la fermentation du dégoût. 
J’ai fait de fréquentes concessions à ma pudeur, et donné des preuves 
empressées d’indulgence en acceptant des réjouissances ornementales et 
des rapports avec ces jeunes gens heureux et satisfaits. Mais malgré mon 
désir d’assimilation, je restai un étranger pour eux. A force de vivre 
isolé, quoique entouré du bruit vide mais frais, essayant de prendre part 
à toutes leurs farces et cérémonies de camaraderie, je devins peu à peu 
un étranger pour moi-même. Dans le peu de respect qu’ils me portaient 
je ne pouvais démêler la quantité de moquerie. Cependant l’incertitude 
me devint insupportable et ne pouvant pas les détourner de leurs jeux — 
mon dessein était de devenir le pivot de toute l’action en les entraînant 
dans des subterfuges intellectuels — je me détachai lentement de ces 
choses superflues, avec la noire combustion dans mon caractère. Grâce 
à l’intérêt que me portait un antiquaire qui avait adopté la façade de 
ce métier pour pouvoir mieux choisir et acheter à meilleur compte ce 
qui satisfaisait son âme méticuleuse de collectionneur — un gâteau informe 
gonflé par l’abus de la morphine — je pénétrai dans un milieu de litté 
rateurs et d’artistes aspirant à de plus hautes conditions de vie, à un idéal 
politique quelconque ou à une formule inédite de l’art. L’antiquaire était 
ravi de me présenter à ces derniers qui me croyaient un personnage 
important — moi qui vivais d’une faible rente servie par ma famille — 
car de sa qualité de collectionneur à celle de mécène il n’y avait qu’un 
pas — son avarice seule l’empêchait de le franchir. Toute sa vie se 
passait dans l’espace de cette hésitation.
	        
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