PIERRE DRIEU LA ROCHELLE
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Tu m’as guidé, tu m’as tiré vers ton enfer.
Un nœud suspend mon cœur, ne vas-tu pas le
[rompre ?
Inachevée, tes limbes mes pas les tâtent
Tout de moi visiteur impatient te meurtrit.
Non, Je me refuse a m’exiler vers ta peine
Dans la région obscure ou par tes tristes charmes
Tu me forçais jadis a des métamorphoses,
Je t’apparaissais a demi animal
A demi le dieu doux figuré dans ton cœur
O lustre de ma jeunesse
Mes reins portaient un pelage
Ou s’échauffait ton plaisir
Oubliais-tu le bonheur ?
S
Mais voici qu’il y a tout a coup ces nageuses,
Autour de mon refuge. Entre les horizons
Aussitôt confusion des hanches et des vagues.
Me jetterai-je a l’eau parmi vos simulacres :
Dos, écueils, émouvante écume de frissons
Beaux ventres, roches enracinées de varech,
Et de près, seins, galets polis par les caresses ?
J’ai souvent refusé de périr dans vos bras.
Au fond clair du bonheur, c’est a quoi vous
[songez.
Je fais semblant de croire a vos feintes noyades,