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FAITES VOS JEUX
Au début d’octobre dernier, enfin, elle se commande une robe noire
et se procure un revolver. Sa décision semble être prise.
Le 4 octobre, dans I*après-midi, elle enfourche soudain sa bicyclette
et part pour le Havre. Une résolution fébrile l’anime...
A six heures, lorsque Cottard sortit de son atelier de cordonnerie, une
joyeuse surprise l’attendait : Germaine-Louise stationnait, souriante, au
milieu de la rue et 'l’accueillit avec affection.
— Tu vois, je suis venue te surprendre!
On décida, toutefois, de ne pas rentrer sur-le-champ à Octeville.
La soirée était douce encore. On s’assit au restaurant, on commanda
à dîner. Le cordonnier, repris, lui aussi, par l’espérance d’une vie
conjugale meilleure, s’attendrissait, maladroitement ému. En se levant
de table, on s’arrêta encore au café voisin, de sorte que c’est « le cœur
bien à l’aise » que l’on se remit en route, vers neuf heures, pédalant sans
hâte côte à côte...
Soudain, entre Bléville et Octeville, Germaine-Louise ralentit, des
cendit de machine.
— Attends-moi donc un instant, dit-elle.
Elle s’éloigna, descendant dans l’ombre du talus. Lui resta sur la
route, nettement profilé, en silhouette, tenant les deux bicyclettes.
Alors, inattendus, effrayants dans le silence contourné d’oiseaux
timides, trois coups de feu retentirent, montant de l’obscurité. Cottard
s’affaissa, jetant un cri.
Quelques instants plus tard, Germaine-Louise apparaissait, toute
tremblante, au petit hameau de Sanvic, frappait à la première porte
venue, puis avertissait la gendarmerie :
— Au secours! au secours! on vient de nous attaquer... des inconnus
qui se sont enfuis dans la nuit!
Les braves gens ainsi rassemblés s’armèrent au hasard et accoururent
sur les lieux de l’agression. On trouva les dteux machines tombées sur la
route. On attendit, on appela... Rien ne répondit.