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NERON
la chaire, et ronflait sur le divin Virgile. Son premier crime : il attrapa
une souris sous la mappemonde, et cassa les reins à Atlas. Il ne riait
jamais, parmi ses babines hilares. Vers cette époque, son poil devint
héroïque, prit des teintes Alsace-Lorraine. Et il installa une trompette
au bout de sa queue.
III
LA BICHE
Ça biche! Ça biche! Elle avait les oreilles ogivales et les pis noirs.
J’avais seize ans, elle deux. Je passais mes vacances au château du
grand-duc. Elle habitait l’étable. L’œil humide, la patte dure, elle venait
vers moi en bramant. Elle sentait le sucre, la carotte et le bouc.
Je lisais Suétone et Brantôme. Ce mélange gallo-romain me cha
touillait les narines. Néron enchanta ma puberté. Néron : la Ville
brûle au son des flûtes en pleurs dans un firmament plein de courtisanes
et de légions.
J’embrassais la biche sur sa barbiche. Tout en bêlant, elle posait des
crottes ovales sur la prairie. Et l’épagneul, gaiement, lui mordait les gigots.
Je rejoignais ma maîtresse dans une grange tendue d’araignées et de
chauve-souris. Elle avait une lune dans les cheveux et l’Histoire Romaine
à la main. Nous formions dans le clair-obscur des projets si mélancoliques !
Je lui parlais de Bonaparte et de mon cœur. Je posais mon oreille à
la serrure de son nombril. Je disséquais des grenouilles sur son ventre.
Nous cherchions Néron dans le foin.