G. RIBEMONT-DESSAIGNES
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CHRONIQUE DE LA PEINTURE
Ou les Deux Yeux et le Troisi
roisieme
C’est le murmure du printemps, la floraison retrouvée;
les regards s’étirent, s élèvent et retombent en gerbes,
fontaines lumineuses, pensées revêtues des grâces de la
vue, cervelles vaporeuses et parfumées comme des pétales
de rose, et tourbillonnantes au gré des vents de la mode,
heureuses cervelles lisses des peintres que les soucis de
la poésie ne rident point et qui n’interrogent d'autres
mystères que ceux du bleu et du rose. C’est le temps de la
peinture. Les grandes foires sont ouvertes. La beauté
écarte les jambes afin que la foule ignorante jouisse de tous
les secrets de l’amour supérieur, et sur les ailes des
archanges se pâme en poussant des soupirs.
Q,u’arrive-t~il donc en 1923? Ne saviez-vous pas qu’une
ère de jeunesse était inaugurée? Est-il besoin d’un désa
busé qui se remémore niaisement la suite des grandes crises
et pleure sur la mort successive des classiques, des roman
tiques, des réalistes, des symbolistes, des impression
nistes, des fauves, des cubistes, des dadaïstes ! Les
trompettes de Josaphat sonnent enfin, et le psaume reten
tit : Jeunesse, jeunesse! — Il faut bien croire et s’émou
voir. La liberté vient d’accoucher. Et dans les langes le
nouveau-ne va crier.