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FERNAND LEGER
d’une déformation précédente, mais au moins on ne discute plus la
nécessité dans l’art de cette déformation de quelque-ordre qu’elle soit. Or,
si nécessaire qu’on l’admette, cette « interprétation », elle, il faut bien
en convenir, choque ceux qui font profession d’être choqués. Au con
traire du nu et aussi de la plupart des objets naturels, dont les formes
ne varient que dans des limites étroites et exactement connues, l’objet
mécanique est une forme en perpétuelle transformation. Point de jour
qu’un apect nouveau de la machine n’apparaisse. A cette création inin
terrompue collaborent quotidiennement toutes les usines, tous les labo
ratoires de la terre. Ouvrez ce catalogue d’opticien, cette revue de
métallurgie, chaque photo est Ile portrait d’un monstre imprévu. L’in
terprétation de l’objet mécanique ne transgresse donc pas si facilement
les llimites du vraisemblable, limites auxquelles le gros des spectateurs
et même, il faut le dire, beaucoup de spectateurs avertis, se crampon
nent désespérément. Dans le domaine mécanique, le vraisemblable, en
s’approchant de l’invraisemblable, s’approche du vrai.
L’objet mécanique, qui se prête déjà à la déformation, se prête donc
aussi et pour les mêmes raisons à l’invention du peintre. Car Léger ne
déforme pas tant qu’il invente, ou plutôt il déforme tant qu’il invente,
ou plutôt encore il ne déforme pas, mais déformé, construit, et fabrique
des objets nouveaux, des objets en peinture. Ces objets de réalité pic
turale équivalent sentimentalement aux objets réels. Je veux dire qu’au-
tant que l’objet réel, ils sont susceptibles de déterminer l’émotion esthé
tique, et même ils doivent être susceptibles de déterminer cette émotion
mieux que l’objet réel. Sentimentalement la mécanique imaginée par le
peintre doit surpasser la mécanique réelle. Cette loi de création d’équi
valence, loi où l’équivalence n’est d’ailleurs qu’un minimum, loi d’art,
s’oppose à l’imitation que fait de la réalité le faux artiste. En 1917,
Léger, le premier, comprit que l’équivalence de la nature mécanicienne
était aujourd’hui plus à sa et à notre portée, que l’équivalence de n’im-