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LA DANSE
est à mon sens, un éloge. Bien que minutieusement réglée, elle nous
donne l’illusion du désordre, d'un beau désordre élastique et capricieux
(au rebours de la danse libre d’Isadora Duncan qui donne l’impression
d'une leçon apprise). Pourquoi ce geste, ce pas, plutôt qu’un autre ?
Je ne sais pas; elle, sans doute, non plus. Marion Forde ne vient de
nulle part et ne démontre rien.
Il faudrait insister ici sur cette grâce de l'indtincl qui est le privilège
de la femme américaine. Lorsque Marion Forde gambade, fait le grand
écart, se coiffe d'un haut de forme, nous pensons à Carol Dempster,
l’interprète de Griffith et, de là, à ce don miraculeux de recréer la
vie qui s’épanouit sous les roses électriques de Los Angeles. Le plus
fichu visage d'Américaine vit, s'émeut, s'illumine devant un objectif ; la
meilleure artiste française s'exhibe, se crispe, s’exténue toujours. (Faites
interpréter la danse de Marion Forde par une Française possédant les
mêmes moyens physiques et chorégraphiques, elle y sera ridicule).
Nous sommes une race trop réfléchie, trop éduquée, dont la vitesse
de réactions se ralentit sans cesse. Toujours le beau peigne de nos
traditions nous tire les cheveux plus loin en arrière. Encore un peu, et
nous serons tout à fait chauves.
Marcel R AVAL