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PER VARESE
Cameriano.
Les villages remettent tout en place, dispersent la griserie. (Enfant,
je redoutais jusqu’à l’effroi les poteaux qui, dans les trains en marche,
rabattent l’élan des fils télégraphiques.)
Novara : le jour prend congé des choses, bascule sur les cimes,
s’enfuit sans révérence. Les lumières alors se rappellent leur rôle, se
persuadent, une fois de plus, qu’elles n’en ont pas pour bien longtemps.
N’observent-elles point, ce soir, que l’ombre qu’elles projettent des
fenêtres se couche sur un carré d’étoffe flottante, — l’espérance et le
crime, à travers l’innocence, se rejoignent, — que la coiffure des femmes
triche dans le secret des miroirs?
Il faut laisser la joie tuer la joie, — passer. Cet air, à la fois d’attente
et de déroute, que l’on respire à l’aube des réjouissances publiques, vers
huit heures du soir, vous retourne l’âme. Les visages répètent les rires
qu’ils espèrent atteindre. Chaque roue de voiture amorce un espoir de
Fortune. La vitesse à laquelle les choses m’apparaissent m’incite à un
mépris féroce et joyeux. Si j’étais à pied, je m’attendrirais.
La cerise au fond du verre, le dix de pique sous l’oreiller, — voilà
le souvenir d’Agnès. Où était-il? S’y raccrocher, cela voudrait donc
dire qu’il m’échappe? Au fait, il glisse mal entre les mille images
pressées par la fuite du paysage. Un nuage plus tendre l’escamote,
une fille aux bras nus le ramène, mais l’insistance d’un reflet blanc sur
les feuillages, mais la grêle douce des lumières au loin l’emporte, le
dérobe encore. Au lieu de savourer ce qu’une défaillance de soi en
amour délivre de petites joies diaboliques, je m’interroge, je m’étonne,
je me reproche, moins d’en être cause que d’avoir ignoré sa marche et
qu’elle échappe à mon contrôle. Cela est-il vraisemblable? L’oubli a
des ressorts plus souples, un glissement plus égal. Si Agnès se perd en
moi, c’est donc qu’elle cherche à s’y perdre. Faut-il accuser le sommeil
du vol des portefeuilles? Trop simple. Qui me dit qu’Agnès n’est pas
le portefeuille et le voleur? Chaque regard que j’ai pour l’heure, le ciel,