RENÉ OREYEL
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Breton à bien des injustices. Querelle s insignifiantes, dira-t-on, querelles
d’homme de lettres. Oui, mais Breton qui les cherche veut faire figure
d'homme, et d homme uniquement. Enfermé au milieu des livres, des
tableaux, je ne crois pas qu’il goûte jamais la joie dont LL écrivit qu’il est
impossible de la concevoir autrement que comme un appel d'air. A la vérité
de tous les appels d’air il fait de petits courants bien domestiques,
bien littéraires. Je me rappelle certaines séances spirites répétées jus
qu’à l’ennui où il ne sut trouver qu’un aliment littéraire.
Mais quelles étranges expériences pour qui n’aimant pas certains soirs
le sommeil hypnotique facile à contrefaire, sentait Breton désirer la folie
comme un appel d’air. Tout finit par des articles. Grâce ou disgrâce
pour Breton la folie n’est point venue.
L’auteur des Pas perdud est un excellent critique, je veux dire qu'il
sait fort bien fausser les valeurs et vendre pour de l'or son cuivre.
René CREVEL.
MIRACLES, par Alain-Fournier {N. R. F., édit.)
Je parlerai avec précautions et pudeur d’un écrivain dont la vie et
l’œuvre ne furent elles-mêmes que pudeur, et qui mourut à vingt-huit
ans.
Le livre qui nous est aujourd'hui présenté nous séduit par un double
intérêt. De la personne d’Alain-Fournier, nous ne connaissions que ce
qui en transparaissait si discrètement à travers le Grand Æeaulnes', de
son œuvre, nous ne connaissions que ce livre, à peu près parfait dans
un genre nouveau. Voici que Jacques Rivière nous révèle, dans une
introduction qui est une de ses plus clairvoyantes Etudes, quel fut cet
homme ; et que des œuvres antérieures au Grand Æeaulneo nous mon
trent nettement ses influences, sa formation, sa progression incessante
vers son chef-d'œuvre.
C’est un jeune homme chimérique et tendre. Il est poreux à toutes
sensations; il se sent placé au milieu de la vie, non pour la discuter,
non pour en tirer une philosophie (il a horreur des abstractions), mais
pour en être ému; “j’ai le merveilleux pouvoir de sentir, dit-il”; cha
que émotion eveille en lui d’inapaisables échos. •— Pourtant il s’éloigne
du bruit et des apparences; il se réfugie dans une rêverie sans fadeur,