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FAITES VOS JEUX 
il n’avait pas voulu me dire où il était allé. Cyniquement il me répondit 
que je n’avais qu’à l’accompagner. Jamais je n’entrai dans une telle 
colère, muette et inavouée, couverte dans ses propres cendres. J’aurais 
voulu le tuer, raconter tout à ma mère, provoquer le divorce. Il ne 
s’aperçut de rien, et eut le mauvais goût de me dire le soir même à 
quel point il aimait sa femme. Encore une révolte que j’effaçai avec 
la gomme du songe pour éviter le scandale, par lâcheté. C’est ainsi 
que s’atrophiaient mes exigences vitales, que mon profil se noyait dans 
le bain de la médiocrité. 
En feignant de me blottir contre le chaud fonctionnement des ressorts 
de l’art, je me plongeai dans les occupations les plus vulgaires. Elles 
touchaient à ma sécurité. Dans la fausse conscience de moi-même, je 
puisais des attitudes masculines, en les dégageant des sédiments morbides 
et des algues séductrices de ma vieille et mélancolique soif. 
(A suivre.) 
Tristan TZARA.