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L’amour me dégoûta dès l’âge de la puberté. Cette mixture d’or
ganes, pouah ! C’est alors que je conçus ces commerces hétérogènes
avec des sexes idéaux : un livre de Francis Jammes, un piano, un volu
bilis. Je souffrais de découvrir des stigmates féminins jusque dans la
conformation des nuages et dans la feuille du peuplier. Je croyais
Bayard et la comtesse de Noailles vierges. Puis je songeais au cheva
lier de Faublas, et je raffolais soudain de l’exclamation d’André Gide à
propos du Kaléidoscope démantibulé : « Comme on comprenait le
pourquoi du plaisir !» Un thermomètre m’agaçait par sa prétention
psychologique : la finesse du mercure ??? J’avais le goût de la typogra
phie, des châtaignes, de la laine. Un peu de bric-à-brac ne me déplai
sait pas, pourvu qu’il décelât un goût volumineux et atmosphérique.
J’abhorrais la poudre de riz, et j’aimais sans bornes les échecs. Je me
souviens. Luce était ma partenaire à ce jeu, et à quelques autres.
L’échiquier exsangue, à carreaux verdâtres et pâles, avait la jaunisse
verte. Le cheval galopait fièvreusement, comme mon cœur. La reine...
c’est à cette époque que je compris qu’une reine était une femme.
Mais le corollaire de cette proposition m’échappait encore. Quant à
cette bande de pions qui me barraient la route comme les archers
aux chevaliers de Crécy...
Une jolie absurdité toujours m’agréa. J’aimais une certaine façon
olfactive de caractériser un personnage par la dimension de son nez et
un palais royal par la qualité de son œil-de-bœuf. J’ai cru longtemps