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uro-génitale, des renseignements très précis et là nous pouvons faire quelques
réflexions.
Nous savons, en effet, qu’elles possédaient deux utérus, mais un seul vagin,
une seule vulve, une seule vessie, un seul urètre. Lors donc que l’on a paru
regretter que l’on n’ait pas séparé ces deux sœurs, on n’a pas réfléchi à cette con
dition anatomique qui aurait obligé à un véritable tour de force chirurgical, à
moins que l’on n’eût pris le parti, bien invraisemblable, de sacrifier délibérément
l’une des deux. Cette structure nous démontre, en tout cas, que Rosa et Josepha
furent toutes deux épouse du père de l’enfant en question. L’une seulement (c’était
Rosa) conçut et conduisit à bien la grossesse. C’est, à n’en pas douter, la véritable
mère. Puis, le jour de la délivrance venu, Rosa seule encore, connut les douleurs de
la période de dilatation. Par contre, celles de l’expulsion leur furent communes et
véritablement, Josepha put à bon droit accuser le sort qui la faisait ainsi souffrir.
Elle eut encore raison de se plaindre par la suite, puisqu’elle eut comme sa sœur,
t du lait dans les seins. Marcel Baudouin a fait remarquer à ce propos que si le
système nerveux est nettement double, ainsi qu’on le suppose, ce ne sont pas
les fibres nerveuses qui peuvent être pour quelque chose dans l’établissement
de la secrétion lactée, mais bien le système circulatoire, car celui-ci, évidemment,
chez des sujets ainsi conformés, devait être unique en quelques points.
Tout ceci est assez bizarre, on en conviendra, mais certainement moins que
la mentalité du monsieur qui put revendiquer la paternité de l’enfant. 11 est vrai
ment regrettable que l’on ne connaisse pas d’interview de lui, car sa psychologie
devait être pleine d’originalité. On comprend mieux celle de la pauvre fille que le
fait d’être soudée à sa sœur de cette anormale façon n’empêcha pas de succomber,
comme tous les humains ou à peu près, à la passion. On ne voit pas bien pourquoi
le cerveau des monstres de ce genre ne serait pas fait comme le nôtre et pourquoi
ils ne ressentiraient pas les mêmes désirs, sinon les mêmes besoins. 11 est même
peu aisé de savoir si l’amour conçu pour le monsieur en question le fut par l’une des
deux sœurs ou par les deux à la fois, ou même par celle-là seule qui, justement,
n’a pas été mère. Tout cela est resté enveloppé d’un profond mystère et le demeurera
désormais toujours. En tout cas il paraît certain qu’il a dû y avoir consentement
double à l’acte sexuel, car on conçoit mal que celui-ci ait pu être perpétré dans des
conditions différentes.
On a parlé, à ce propos, de mariage. J’ignore jusqu’à quel point ce mot est
exact et j’ai toutes raisons de supposer qu’il ne l’est en aucune façon. Car enfin,
voyez-vous les scrupules qui se présenteraient à l’esprit de l’officier d’état-civil
chargé de consacrer cette union légitime ? Renseigné sur la conformation anato
mique des deux sujets, il aurait dû faire légale une union qui donnait, en
somme, deux femmes à un seul homme. Ignorant au contraire de cette conforma
tion, il ne pouvait prendre une telle responsabilité, car il n’en restait pas moins
assuré que toute approche conjugale aurait un témoin qui la rendrait attenta
toire à la pudeur. Cruelle énigme, en vérité, qui a dû ne pas même se poser car le
pygopage et son époux se sont passé sans doute de toute légitimation de ce genre.