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rencontrais de nouveau en 1917, à Zurich. Il cherchait les règles d’un contre
point plastique, en composait et dessinait les premiers éléments. Il se tour
mentait à mort. Il avait formulé sur de grands rouleaux de papier une sorte
d’écriture hiératique à l’aide de figures d’une proportion et beauté rares. Ces
figures grandissent, se subdivisent, se multiplient, se déplacent, s’enchevêtrent
d’un groupe à l’autre, disparaissent et réapparaissent en partie, s’organisant
en une imposante construction suivant l’architecture des formes végétales. Il
nommait ses papiers “Symphonie.” Il mourut en 1922. Il avait pu encore, avec
son ami Hans Richter adapter son invention au cinéma.
En cachette, dans sa tranquille petite chambre, Janco se dévouait à un
naturalisme en zigzag. Je lui pardonne ce vice secret, car il a évoqué et fixé le
“Cabaret Voltaire” sur la toile de l’un de ses tableaux. Dans un local sur
peuplé et bariolé de couleurs se tiennent sur une estrade quelques person
nages fantastiques qui sont sensés représenter Tzara, Janco, Bail, Huelsenbeck,
Madame Hennings et votre humble serviteur. Nous sommes en train de
mener un grand sabbat. Les gens autour de nous crient, rient et gesticulent.
Nous répondons par des soupirs d’amour, des salves de hoquet, des poésies,
des “Oua, Oua” et des “Miaous” de bruitistes moyennageux. Tzara fait sauter
son cul comme le ventre d’une danseuse orientale. Janco joue un violon invi
sible et salue jusqu’à terre. Madame Hennings avec une figure de madone
essaie le grand écart. Huelsenbeck n’arrête pas de frapper sur sa grosse caisse,
pendant que Bail l’accompagne au piano pâle comme un mannequin de craie.
On nous attribua le titre honorifique de nihilistes. Les directeurs de la
crétinisation appelaient de ce nom tous ceux qui ne suivaient leur route.
Les grands matadors du “Mouvement Dada” étaient Bail et Tzara. Bail est à
mon avis un des plus grands écrivains allemands. C’était un personnage long
et sec avec une figure de pater dolorosus. Tzara a écrit alors les “Vingt-Cinq
Poèmes” qui appartiennent à la meilleure poésie française. Plus tard se joignit
à nous le Docteur Serner, aventurier, auteur de romans policier, danseur
mondain, médecin-spécialiste de la peau et gentleman-cambrioleur.
Je rencontrais Tzara et Serner à l’Odéon et au café de la Terrasse à Zurich
où nous écrivîmes un cycle de poèmes: “Hyperbole du crocodile-coiffeur et
de la canne à main.” Ce genre de poésies fut plus tard baptisé: “Poésie Auto
matique” par les surréalistes. La poésie automatique sort en droite ligne des
entrailles du poète ou de tout autre de ses organes qui a emmagasiné des
réserves. Ni le Postillon de Longjumeau, ni l’alexandrin, ni la grammaire,
ni l’esthétique, ni Bouddha, ni le Sixième Commandement ne saurait le
gêner. Il cocorique, jure, gémit, bredouille, yodle comme ça lui chante. Ses
poèmes sont comme la nature: ils puent, rient, riment comme la nature. La