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PIERRE REVERDY
On verra plus loin que cette comparaison a du moins le mérite d’être
juste.
En effet, sous la vitrine qui garde les reflets pensifs de l’avenue,
des passants attardés et des mouvements de l’air vague, perdu dans
les bagarres, il y a une foule de destinées qui attendent.
De là les bateaux migrateurs reprennent voile mais malgré le phare
et les arcs tirés à blanc de ses rayons on ne peut jamais savoir où ils
passent. On voit parfois glisser un triangle de glace au fil de l’horizon
— on voit un ciseau froid découper le soleil, mais jamais les longues
mains tirées sur les tempes glacées de la terre à son réveil.
Et pourtant le fil à plomb a traversé la bande claire qui se tend
d’un pôle à l’autre au moment où commence le jour.
C’est alors que l’homme débordant son rêve s’étire vers un centre
meilleur. Au mouvement réglé sur le battement sec de ses artères il
déplace ses mains et tous ses membres et provoque le vent
Les oiseaux effrayés clignent des yeux et crient, plus gênés par ce
grand courant d’air que par les points brûlants de la lumière.
Par moments ce sont des larmes qui assiègent la vitre de la chau
mière accroupie en plein vent. A d’autres le hasard qui grince entre
les branches et brûle les charnières — sans tenir aucun compte du
temps.
Mais quand le grand couteau tombe et tranche d’un coup net les
deux parties du jour — midi — laissant les deux côtés de la paroi
luisante des blessures, on peut voir à une certaine hauteur le corps du
promeneur balancer ses proportions illimitées vers un sens mieux compris
des lois de la nature.
Et cet homme nouveau ayant alors revêtu une peau neuve descend