RENÉ MARIE HERMANT
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nous transporte chez lui et nous en découvre les plus surprenants
retraits, les plus secrets tréfonds, c’est fort beau, encore qu’assez facile
et pour tout dire régulier. Il serait désastreux qu’un guide local ignorât
les plus beaux sites de son domaine. Mais que deux écrivains français
se révèlent à ce point sensibles au génie et re-créateurs du mystère
d’une race aussi franchement extérieure paraît autrement intéressant.
Théâtralement, cette rapide petite tragédie reste d’une possibilité
humaine de toutes les latitudes. Instrument du parti révolutionnaire,
une femme accepte les plus basses infamies comme un devoir, et finit
par dénoncer son amant, par méfiance d’elle-même, pour mieux servir.
89 aurait pu, chez nous, motiver de tels conflits. Cependant on peut
penser qu’ils n'eussent point connu cette simplicité de tension, cette
rigueur calme dont ils s'aggravent ici. Daïcha, rouleuse de cabarets,
paillasson à grands ducs fait son devoir. Une occidentale, je crois, et
mieux, une latine, le ferait aussi mais il en deviendrait sacré tout de
suite, dès le début, sans délai et je pense qu'elle le prononcerait souvent,
avec une belle capitale, comme il convient. Daïcha, elle, simplement,
croit servir. Et les temps révolus, passée de la brasserie au Kreml, elle
ne s'en souvient qu’à peine, quand on insiste vraiment. Autour de cette
femme, les t3 r pes les plus divers s'efforcent, souffrent, doutent et discu
tent en cette atmosphère de misère intime, d'inquiétude éternelle, de
mélancolie et de bonté maladroites où se débattent leurs consciences
d’enfants tôt orphelins. « Les Russes ont des remords pour tout le
monde », dit le lieutenant Apraxine, en ricanant de lui-même, tout cro-
quillant du tournesol. Mange tes grains de soleil, Ossjp-Ossipovitch,
drough moï, et crois 1 Crois toujours, aujourd’hui le contraire d’hier et
de nouveau autre chose demain, fermement. Longtemps encore, Groucha
ne pensera qu’à partir loin, loin, toujours plus loin, la-bas, sans savoir,
dès que le malheur s’annoncera quelque part; et le père Afanase pourra
bien disparaître comme ne lui cèle point Tchérébérébine dont les valenki
pataugent autant dans la plus scrupuleuse irrésolution que dans la neige
de la Place-Rouge — oui, petit homme de Dieu ! ton tour viendra, petit
homme de Dieu... — et Arcade-Dimitrievitch s’entêter et Ivolguine
chercher partout la liberté qu’il a servie sans devoir jamais la connaître,
longtemps encore la Russie restera la Russie, avec ses détresses, ses
ivrogneries, ses exaltations, ses hypnoses, ses candeurs, ses sacrifices,