Volltext: 4(1922), février = Nr. 25 (25)

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BLAISE CENDRARS 
On l’entourait, anxieux, inquiet. Des mains lui caressaient les che 
veux... Il laissa tomber son verre. Les crissures du bris le calmèrent. 
Il les rassura tous d’un sourire blanc. « Ce n’est rien, ce n’est rien. J’étais 
pensif. Cela m’arrive de me taire tout à coup. J’étais distrait. Vous vous 
y accoutumerez bien. Cela passera. Je suis énervé, fatigué du voyage. 
J’ai eu un peu mal... mal... au dos. » 
Alors, on lui fit un lit sur le divan. Tous y aidaient. On apportait 
des coussins. La mère tapotait amoureusement les couvertures. Ils 
étaient bien drôles! Tous avaient des gestes précis, mathématiques, 
des gestes spécifiques; l’insecte qui, sous la passion de son instinct, 
travaille carrément. Il les envia d’être si appliqués, si mesurés, sans 
aucune pose inutile, si simple, sans aucune hésitation, quand lui ne 
pouvait diriger les mille tentacules de sa sensibilité suraiguë, la maîtriser. 
Ses sens étaient de longs fils surtendus, rayonnant de son cerveau à 
l’infini, à travers toutes les possibilités de la matière et la diversité des 
êtres; liens délicats et froids, doux comme une pâle lueur d’étoile 
filtrée par les éthers, puisqu’ils illuminaient et vivifiaient, dans l’au-delà 
de son âme, des vagues éclosions d’êtres abstraits ; fleurs métaphysiques, 
postulations, entités taciturnes... 
Il se coucha, s’étendit. Il replia ses mystérieuses antennes, inutiles, 
puisque la plupart des hommes s’en passaient pour obéir aux comman 
dements de l’espèce, aux plus élémentaires lois de la vie et accomplir le 
gros ouvrage: le dégrossissement. Donc, d’un travail brutal naissaient 
des organes d’affinement et de douleur, des instruments si délicats et si 
perfectionnés qu’ils se faussaient, se brisaient au moindre heurt. Jaillis de 
la vie, de la vie la plus animale et la plus gourde, de celle des fonctions, 
ils avaient, après des siècles de pénurie, tissé l’âme, rosée impalpable, 
manne incarnée, fleur des putréfescences et, ainsi jaillis de la vie, ils 
étaient lourds de mort. Car l’âme, lorsqu’elle monte aux lèvres, a un goût 
amer d’au-delà, d’infini, de divin, ainsi que l’opium. Et, ainsi que l’opium, 
de l’autre côté du nirvâna, ce lac de pâmoisons râlées, elle indique du 
doigt la mort, lueur libératrice sur un désolé rivage de cendres. Donc,
	        
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