MOGANNI NAMEH
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WÊÊÊKHi
Ananké, ce cruel maître de la vie, est doux, puisque lui-même vous fonce
dans un royaume où son empire, brusquement, cesse. Du règne de la dure
Nécessité Ton sort par la voie des tortures égotistes, au désert de l’Absolu.
Mais la mort, comment engendre-t-elle, elle-même, la vie? Quelle puis
sance correspondant à l’ananké de vie régit, là, la naissance, cet éternel
Retour? Serait-ce l’insouciance, la légèreté, l’ivresse, la fantaisie, l’ins
piration, l’inconscience: le Ion? — O délices! les poètes jouiraient
alors, ici-bas et vivants, des ineffables voluptés de la mort! Ils seraient
les héros de l’au-delà, les divins Adolescents; posséderaient la magie
infernale de faire accoucher la mort, de vie! — Mais, eux-mêmes, les
bienheureux déshérités, morts et vivants à la fois, subiraient la double
emprise d’Ananké et de Ion, le quadruple lot des doubles douleurs
et des doubles joies: la Liberté!!! Ils seraient ceux de l’interrègne,
éternellement ballotés d’un rivage funambule à un autre moins précis :
Rois de Thulé!
Poètes !
Rois de Thulé!
De la Thulé des brumes, de l’ultime Thulé:
Walhalla invincible aux portes flamboyantes,
très largement ouvertes sur la misère des Etres;
et d’où sortent, triomphales, en cortège d’apparat,
les vraies Théogonies au sacre du vieux Monde!
Cité unique !
Forge de gloire,
illuminée d’un musical soleil!
elles sortent de tes murs, gigantesques et farouches,
muselées d’horreur et fortes comme les Sibylles!
Et les Siècles, terrifiés, s’inclinent à leur passage.
Et les Générations accourent comme des enfants.
Cité des Forts!
Cité des Esseulés! Roche de Prométhée!