SYÉA
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SVÉA
Dans chaque lettre, Marthe me demandait d’aller chez elle. Son
insistance me rappellait celle d’une de mes tantes, fort dévote, me repro
chant de ne jamais aller sur la tombe de ma grand-mère. Je n’ai pas
l’instinct du pèlerinage. Ces devoirs ennuyeux localisent la mort, l’amour.
Ne peut-on penser à une morte, ou à sa maîtresse absente, ailleurs qu’en
un cimetière, ou dans certaine chambre. Je n’essayais pas de l’expliquer
à Marthe, et lui écrivais me rendre chez elle, de même qu’à ma tante je
racontais avoir été au cimetière. Pourtant, un jour j’allai chez Marthe.
Voici dans quelles circonstances.
J’avais rencontré sur le réseau cette jeune fille suédoise à laquelle
ses correspondants défendaient de revoir Marthe. Mon oisiveté me fit
prendre goût aux enfantillages de cette petite personne. Et cherchant
un moyen de la revoir, ailleurs qu’en wagon, je lui proposai de venir
goûter à Champigny, en cachette, le lendemain. Je lui tus l’absence de
Marthe, pour qu’elle ne s’effarouchât pas, et ajoutai même combien elle
serait heureuse de la revoir. J’affirme que je ne savais au juste ce que je
comptais faire. J’agissais comme ces enfants qui, liant connaissance,
cherchent à s’étonner entre eux, racontent ce que les parents leur per