LA LYROSOPHIE
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Je n’estime pleinement un mécanisme que si je puis m’y émouvoir.
La sirène à voyelles m’enchante mieux, quand je songe au plain-chant
grégorien. Et Mercure à son périhélie confirmant les théories d’Einstein
quand, étendu dans l’herbe par un soir d’été, je bâille aux étoiles. Et les
quatre temps du moteur, quand, pare-brise baissé, je respire avec gêne
dans le vent du 80 à l’heure.
L’homme a commencé par sentir; il a continué par comprendre.
Il voudrait s’arrêter là. D’autres lui ont proposé alors de sentir avant de
comprendre, ce qui est, en somme, très ordinaire. Personne ne lui a
proposé de comprendre avant de sentir, ce qui est impossible. Je l’invite
à développer toute son activité, à jouir en même temps de ses deux princi
pales facultés : à sentir et à comprendre simultanément. Voilà la lyro-
sophie. Et sur les deux mondes que vous avez travaillé à construire,
l’un de sentiment, l’autre de raison, je construis le mien, à la fois de
raison et de sentiment. Cette nouvelle figure de l’univers, au-dessus des
deux autres, est la figure lyrosophique.
D’après ce que je fais dire au lyrophose, on pourrait entendre qu’il
nous engage à pratiquer volontairement la lyrosophie. Si la lyrosophie
n’était que voulue, elle serait peu de chose. Il faut plutôt comprendre
les paroles par moi prêtées au lyrosophe, comme un conseil de ne pas
résister à la lyrosophie qui naît en nous.
Nous sommes, comme les kabbalistes, dans les conditions de sub
conscient requises pour être lyrosophes. Nous subissons l’effet de toute
une série de causes qui créent en nous un état chronique plus ou moins
accusé de fatigue intellectuelle. Cette fatigue est éminemment propre
à émanciper le subconscient de la tutelle où le tient la raison. Le débor
dement du subconscient sur toutes les données de la raison, que la
fatigue favorise ainsi, est un débordement sentimental puisque le sub
conscient est un domaine essentiellement affectif.
Prenons un exemple, le plus simple qu’on imagine, schématique
pour ainsi dire, afin d’avoir l’image du processus lyrosophique élémen
taire et d’y saisir cet excès et ce débordement sentimentaux sur une notion