LA LYROSOPHIE
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La lyrosophie double la vérité scientifique d’une vérité de senti
ment. La science ne connaît de la vérité qu’une sorte de besoin et d’appé
tit; la certitude du sentiment est seule satisfaisante. A l’apogée de son
existence une vérité, est toujours à la fois raison et sentiment ; ainsi la
terre, centre du système solaire. La vérité raisonnable de cette représen
tation fut tranchée sans retour, au moment même où la démonstration
scientifique de la rotation fut énoncée. Alors il apparut combien une
vérité de sentiment est davantage sûre, chère, indépendante des contin
gences et vivace. Car, à force d’usages, la terre considérée comme centre
du monde avait acquis valeur affective comme en témoignaient mytholo-
gies, religions et langages. Ce sentiment, se sentant supérieur à la science,
plus véritable qu’elle, lui fit en cour de Rome un procès qu’il gagna.
Fanatisme, dites-vous. Je n’y vois que bien de l’amour. Je n’y vois qu’un
exemple, comme il y en a mille autres, d’une survie sentimentale quand
la science, dont les floraisons brusques sont éphémères, passe la main.
Je n’y vois qu’un exemple, comme il y en a mille autres, d’une notion
lyrosophique analysée dans le temps, réduite à l’un de ses éléments par
le défaut de l’autre.
La lyrosophie conquiert la science au profit de l’esthétique, l’ordre
au profit de l’amour. L’esthétique est fort dépréciée. J’en connais qui
en bannissent jusqu’au nom. De fait, l’esthétique a été compromise chaque
fois que quelque chose pouvait être compromis, ce qui fait bien souvent.
On en a parlé tantôt comme de la pyrogravure, tantôt comme de la
Communion des Saints. Taine a fait une triste dissertation sur la petite
industrie dite d’art. Il a parlé de tout ce qui dans l’art, n’est pas de l’art,
mais de la mise en scène et de l’accessoire. Tout le monde a composé
son petit morceau d’esthétique. Chaque poète de Montmartre ou de
Montparnasse en parle comme d’un ouvrage pour dames, et chaque poète
de l’Académie comme d’une visite à sa mère grand. Le West-End
Tailor, le tapissier décorateur, l’orthopédiste et le bottier détiennent
chacun leur esthétique. Or, il s’est produit la seule découverte qui put
mettre fin à ce gâchis. On a présentement situé l’esthétique en psycho