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MARCEL RAY AL
CAHIATHYS A L'OLYMPIA
L’habitude de considérer le Music-Hall comme un spectacle d’es
sence inférieure, — quelque chose comme du théâtre au rabais, comme
le trait d’union entre l’Opéra et Médrano, — a conduit les directeurs
de Music-Halls eux-mêmes à de coûteuses et maladroites compromissions.
Notre époque aime à mêler les genres et les choses. Une chose
n’est belle à nos yeux que transplantée hors de son milieu et de son
cadre. On a successivement abattu toutes les cloisons qui délimitaient
les compartiments de notre activité et on a construit à leur place un
vaste capharnatlm. Il y avait déjà les mauvais plaisants qui, dans les
hôtels, échangeaient les chaussures posées devant les portes. Nous,
nous allons plus loin : nous nous faisons une gloire de porter les chaus
sures des autres. Dans cinquante ans nous verrons des palmiers bou
levard Montmartre, et les liturgies de M. Claudel à l’Alhambra. Nous
n’avons l’intelligence ni l’à propos de relever le niveau d'un genre à l'aide
des éléments particuliers et des qualités qui constituent ce genre. Pour
remplir notre verre, nous prenons — c'est plus simple — le vin du
voisin. On pourrait appeler cela l'esthétique du cocktail. Le Théâtre
en Chambre, les danses sans gestes, les virtuoses à l'Olympia, les maré
chaux à l’Académie, le style Sacré-Cœur ou Ballets Russes, les péplums
de Raymond Duncan, les ouvrages tirés à 10 exemplaires relèvent de
cette esthétique morbide.
Cette confusion est un symptôme révélateur du déséquilibre des
esprits, qui veulent voir du nouveau, de ïoriginal dans le chassé-
croisé de deux banalités. L'interversion des facteurs n'a jamais changé
la valeur d'un produit. Ce serait trop facile. Mais notre myopie est
telle que nous ne percevons un objet que lorsqu'on le déplace. Ce
déplacement nous le grandit. Qu’il y ait en ceci décadence, je le conteste,
d'abord parce que décadence ne signifie rien du tout. Mais il y a déca
dence du goût, ce qui est autrement grave.
Tout ce préambule pour féliciter Cariathys d’avoir compris dans