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tout souvenir du fait originel qui lui valait la compagnie pré
cieuse — et redoutable, hélas ! — de Poustikette.
Le conteur doit ici tricher encore avec le temps. Exacte
ment, la conduite harmonieuse de ce récit exige qu’il fasse fi
des jours et des jours dont Dominique Dalibert cachait sa
part à ses plus proches, pour atteindre, presque d’un coup, à
ce jour où cesse enfin d’être secrète l’existence de Dominique
Dalibert. Est-ce que ça ne serait pas un peu plus qu’un misé
rable moyen, un peu mieux qu’une pauvre convention, qu’un
ingénieux artifice, qu’une impudente supercherie littéraire
qu’admettre que le savant, durant ce temps indéfini, échappa
à notre contrôle, à notre critique active en s’évadant, par la
quatrième dimension, sur cet invisible plan ferme sur lequel,
a-t-il prétendu, trottent gaillardement les chats?
On peut d’autant mieux l’admettre qu’il ne s’y serait pas
retiré seul. Plutôt que dire qu’il y avait emmené Poustikette,
vaut-il pas mieux avancer que Poustikette l’y avait guidé?
Dominique Dalibert fit plus que négliger tout ce qui n’était
pas le soin de ce gentil animal. Quand le maître et la bête
demeuraient enfermés loin des regards indiscrets, jusqu’en
la pièce la plus éloignée de l’appartement, celle où Madame,
née Gourdon de la Chèvrerie, se nourrissait des délicatesses de
style de Mme Cottin, on entendait ronronner assez souvent
Poustikette, si fort, si haut, avec tant de netteté que l’hymne
guttural de son bonheur en imposait aussitôt l’image et qu’on
voyait proprement la jeune Poustikette, cachée, se rouler sur
le dos, baignant dans un rayon de soleil son petit ventre blanc,
bandant comme des cordes d’arc les zébrures de robe de
tigriote pour bondir et redresser son corps souple et tiède. On
la voyait battre gaiement de la patte l’indication falote du chif
fre 6, c’est-à-dire le nez de l’Immortel; on la voyait ruer du