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— Elle pue le poisson ! fit avec un vrai dégoût Mme Dali-
bert comme Poustikette s’installait sur ses genoux.
— Donnez-lui un bonbon pour faire passer le relent, elle
en est très friande. N’est-ce pas, mignonne Poustikette?
— Déjeunerez-vous? demanda Mme Dalibert, se laissant
aller, d’un geste machinal, à caresser la chatte installée au
creux de sa robe. La main de la dame était douce, mais Pous
tikette s’interdisait de ronronner parce que ce n’était pas la
main du maître et aussi parce qu’il semblait qu’elle eût eu
conscience d’un accueil malgracieux.
— Mon ami, reprit Mme Dalibert en faisant un effort
méritoire pour tout dissimuler d’une rancune ancienne et de
son impatience toute neuve, je vous demande si vous déjeu
nerez avec nous.
— Eh, sans doute ! s’écria Dominique Dalibert tout guille
ret. Je vais rendre sa visite à ce bon Popinède que j’ai trop
négligé ces derniers temps...
Mme Dalibert arqua dangereusement ses sourcils à la chi
noise.
— ...Et... et dans une heure au plus tard je serai de retour.
— Lavez-vous les mains, au moins !
— Les... ah! parfaitement... rien ne vous échappe, chère
Thérèse !
Phrosine crut devoir jeter sur cette comédie le rideau lourd
de sa rusticité :
— Hi! Hi!... Ah! Monsieur!... Comme on a raison de
dire que les grands hommes sont toujours distraits.
Déjà coiffé de son haut-de-forme et prêt à sortir, Domini
que Dalibert vit apparaître M. Krijanowsky, informé que son
maître avait enfin rompu sa retraite.
— Ah! maître!... maître!... mon cher maître!...