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vie est lutte, vitesse, danse, révolte. Je ne pense pas que, chez nous,
elle détermine comme réactions : faiblesse, sommeil, chaise longue.
Austérité, parfois; mais alors austérité puissante, dressée, souriante
(puisque forte).
Je crois que la poésie cherche la joie, l’harmonie de la joie. Elle
a cassé la poésie d’hier parce qu’elle la sentait ennuyeuse ,et mélan
colique. Elle n’est encore que devant les morceaux d’un puzzle coloré
(coloré est une concession à la peinture opaque; je préférerais lumi
neux). Je crois parce que je souhaite. L.es souhaits peuvent créer. La
musique? Je ne sais pas. Il me semble que pour r.espirer largement
elle a .encore besoin de casser des carreaux et de déménager par la
fenêtre des bibelots qui encombrent son boudoir.
Fernand Divoire.
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Il m’est difficile de répondre : la tristesse à laquelle vous faites
allusion, je ne la vois pas.
Deux peintres dominent la salle II du Salon d’Automne : Dunoyer
de Segonzac et Jean Marchand. Si leurs tableaux sont tristes, ils doivent
inspirer de la tristesse à qui les regarde. Or, ils ne me donnent que de
la joie...
Peinture austère? Déjà, pour Jean Marchand, on pourrait discuter
cet adjectif. Mais, pour Segonzac? Il n’est pas une peinture qui soit
plus nuancée, plus voluptueuse, plus riche que la sienne. Je ne conteste
pas d’ailleurs le mot d^austérite. Il est admissible à condition de ne
pas trop généraliser.
A dire vrai, je crains qu’on confonde tristesse avec gravité. Dans
son ensemble, notre peinture contemporaine t.end vers la noblesse et
la gravité et veut s’exprimer sobrement. Elle s’oppose à une peinture
plus claire, celle des aînés.
Mais une remarque générale s’impose. Ces aînés — nous restons
parmi les vivants, n’est-ce pas? — dans leurs tableaux qui remontent à
quinze ou vingt ans, n’employaient-ils pas une gamme plus sombre
que celle qui leur est familière aujourd’hui?
Je reste donc sur la note : gravité et noblesse. Elle répond à un
besoin si général parmi nous, elle adapte si bien « plasticité, mesure
et discipline » qu’on la trouvera dans les autres exprsssions d’art,
n’en doutons pas.
Et, si l’on veut voir dans les œuvres peintes « de l’humour, du pit
toresque, de la fantaisie, du chatoiement », il n’est pas malaisé d’en
trouver : de certains membres de l’Institut aux Dadaïstes, la route n’est
pas longue et elle possède des relais à chaque pas!
René Jean.
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J.e me permets de contester qu’il y ait des tendances très sensibles
parmi les jeunes. Il existe une sorte de discipline intellectuelle qui
donne à l’ensemble du Salon d’Automne une apparence de tenue et
un respect « sérieux », morne. Ce sont ouvrages d’écoliers obéissants;
de goût certes supérieur à celui des générations précédentes! Presque
toutes les toiles sont inspirées des musées, comme celles de M. Derain.