339
goutte d’écume nous deviennent concevables, émotionnelle
ment. Car il n’eût pas suffi de nous les décrire, mensurer,
dynamométrer et échantillonner avec des chiffres à n zéros
sous telles rubriques de terminologie pédante. Pas davantage
ne nous auraient touchés les périodes discursives sur le
germe de ces perturbations et la violence de leurs effets. De
tels ensembles ne nous impressionnent que par le détail
judicieusement cerné et rehaussé, que l’imagination peut
saisir d’abord et intégrer ensuite. Indiquer largement la
masse d’un arbre n’est qu’une réalisation vague; çà et là
faut-il un bouquet de feuilles exactement dessinées pour
identifier l’espèce et marquer cet ensemble anonyme, le dé
couper et l’élégir, et lui rendre cette vie de multitude arti
culée par quoi, avant tout, il est. Ainsi, d’un bout à l’autre
de cette effervescence terrestre et planétaire, des millions
d’individus grouillent-ils vraiment, un à un dans un fouillis
de gestes désordonnés, vivants, et non en interminables
tranches parallèles, aux flexions isochrones, d’automates
attelés sur quelques fils élémentaires.
De tout ceci, et de quantité d’autres choses dont ce livre
est bourré à profusion, mon ami le philosophe de cette nuit
luisante d’étoiles pourrait peut-être démêler ce qu’est un
roman, même scientifique, même planétaire, et connaître
enfin que ce ne sont ni petits bonshommes ni petites bonnes
femmes qui empêchent d’enregistrer et d’exploiter rythmes,
ressacs et mascarets comme disait déjà en ce temps-là certain
manifeste daté de Milan. Et il pourrait aussi, il devrait
même, après les auteurs, louer la maison d’édition qui en
pleine province dévastée vient de lancer cette collection du
« Hérisson » (4) dont papier et caractères sont en tous
points estimables et concourent si justement à la réalisation
du beau livre, sous ses quatre dimensions.
René*Marie HERMANT.
(4) Edgar Malfère, Editeur, rue Delambre, Amiens.