Avec un esprit éminemment féminin, Céline Arnauld se plait
à conter des histoires enfantines, l’histoire de l’ours qui attrape
des guêpes avec sa patte, celle de l’athlète qui d’un seul coup
renverse une locomotive dans le fossé. Elle s’abandonne entière
ment au mouvement d’expansion que lui procure sa conscience.
Elle aime la campagne, sa faune et sa flore. Les claires voies des
chemins s’ouvrent sur le mystère familier des choses. Elle préfère
l’inoffensif orvet des champs à l’aspic de Cléopâtre et quand elle
ferme les yeux elle conserve au fond d’elle-même une riante
vision du monde. Comme le témoigne la petite pièce “ Paupières „
toute pénétrée d’une tendre ironie :
La margelle ouvre sa fenêtre
aux moissonneurs du ciel
et les guinguettes tendent l’oreille
A la musique des branches ensoleillées.
Par le chemin que le soleil défend
sans pensées ni regrets
le printemps entre en sifflant
dans le paie parasol
où les enfants sous le poids des sabots
étouffent le chuchotement des routes.
Le lilas s’ouvre et raconte sa peine à tous les passants
La fille du notaire a mis son chapeau rose
et la lune en bonnet descend vers la vallée
Alors les chicorées ont éclaté de rire
et toutes les banques ont fermé leur crédit à l’amour
Mais le puits s’est enivré de ruisseaux passions
Et la margelle s’est close sur tant de souvenirs
La poésie de Céline Arnauld s’échappe dans tous les sens et
décèle un perpétuel besoin de mouvement. Elle dira :
“ Les étoiles changent de place à chaque regard „
11 résulte aussi de cette poésie une souveraine impression de
blancheur. Tout y est blanc comme l’aube, blanc comme l’archet
et dans “ Point de Mire „ Céline Arnauld dira :
“ Là-bas, les tombes s’ouvrent comme des lys. „
Si les hommes cherchent le rameau d’or, les femmes lui
préfèrent le miroir d’argent Céline. Arnauld poursuit une poésie
modeste mais exempte de médiocrité. Sous toute sa douceur passe,
par instant, un sentiment de profonde humanité :