LE CRAP0U1LL0Î
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A la manière d'Adolphe Brisson
71 la manière du “ Matin ”
Chronique Cinégraphique
Cinéma des Batignolles : L'Epouse de la Peur,
drame en quatre tableaux.
Ce film est un^bélier lancé à toute vo\ée contre les
murailles de l’ancienne Morale Traditionnelle. Depuis
quelques années les ennemis de la Morale se ruent sur
elle avec rage, ils l’attaquent de front, la criblent de
projectiles, la déchirent, la crèvent et creusant sous
ses fondements des mines meurtrières, lui font suer sang
et eau.
Il n’est pas indispensable de braquer sur l’Epouse de la
Peur la loupe d’une analyse à outrance, pour apercevoir
les bestialités dont elle est, si j'ose dire, mosaï
quée. La vie n’y est pas comme il conviendrait
filtrée, décantée, amenuisée et comme reflétée p§r un
verre dépoli ou aperçue par transparence à travers
le cristal d’un miroir. Non, il s’agit ici de saper le vieil
édifice social, ou mieux, de le dissiper, de le raser et,
si je puis m’exprimer ainsi, de le renverser.
L héroïne, une pauvre fille sans travail — n’existe-t-il
pas des bureaux de placement? — a trouvé plus con
forme aux théories du jour d’ouvrir le bec de gaz de
sa chambre et d’attendre lâchement la suprême déli
vrance que la mort ne saurait manquer de lui apporter.
Mais un voleur, entre deux larcins, parvient à la sauver
et à l’épouser. Je dois souligner ici l’émotion malsaine
d’une nuit nuptiale rendue odieuse par la peur de la
jeune fille, image indécente, impudique et pernicieuse,
nettement dressée contre la noble institution du mariage
qu’elle prétend étouffer dans l’étau de je ne sais quel
sadisme et noyer dans la boue inlâme d’une pornogra
phie de bas étage. C’a été l’endroit le plus chaud de la
soirée. Le mari est arrêté par la police, mais la jeune
'femme ne manque pas d’exercer sa séduction sur un
fils-d’excellente famille,un garçon dont l’ivrognerie même
ne laisse pas que d’ctre parfaitement honorable. Elle
épouse ce jeune homme après avoir de ses propres mains
tué l’être indigne, criminel sans doute, mais qui n’en est
pas moins son mari devant Dieu. 11 est vrai que le nom
de Dieu a disparu depuis longtemps du répertoire con
temporain !
Sur ce schéma se greffent des épisodes naturalistes,
piqués çà et là d’humanité et qui paraissent exhaler
une profonde odeur révolutionnaire, ce sont là des
fruits nouveaux dont on prétend maintenant divertir
le spectateur en lui apportant le piquant de l’inédit.
Sans doute me suis-je fait une cuirasse de philosophie
qu’aucune joute ne saurait déboulonner, à plus forte rai
son le pli d’une feuille de rose ne saurait-il entamer
mon épiderme au cours des plus rudes assauts. Mais je
n’en déplore pas moins qu’au pays de Racine, Boursault
et Campistron, on ne sache plus fuir la bestialité
triviale et, s’il m’est permis d’ainsi parler, le liber
tinage.
Nos auteurs se sont fait aujourd’hui de l’immoralité
un tremplin dont ils jonglent, si j’ose dire, un peu trop
à la légère.
Adolphe BRISSON.
Egorgée en écossant
des petits pois
Des râles dans la nuit :
C'est la fille Brousse dite « Bidoche » qu'on assassine.
Un crime perpétré dans des conditions de sauvagerie
inouïe et qui rappelle, par certains côtés, les plus tragiques
exploits des Troppmann et des Vacher, a mis en émoi
hier soir le paisible quartier des Ternes.
Il était onze heures du soir environ. M. Dubord Emile,
âgé de trente-sept ans, débitant
de tabac, 52, rue Demo-urs,
mettait les volets à sa devanture
et se disposait à aller se coucher
lorsqu’il lui sembla entendre de
grands cris. « Bon, pensa-t-il,
c’est le bébé de la fruitière qui
fait ses dents. »
La vérité était, hélas ! plus
tragique. Les cris provenaient
d’une chambre du cinquième
étage, occupée par la fille Brousse
Angèle, dite « Bidoche », âgée de vingt-quatre ans,
sans profession avouable. Les voisins et quelques
passants, ameutés par les appels de la malheureuse,
se précipitèrent à son secours, appréhendant un
malheur. N’écoutant que leur courage, ils enfoncèrent la
L’assassin à o ans
au Collège Stanislas.
porte.
Le spectacle qui s’offrit à leurs yeux les fit reculer
d’horreur. Brousse Angèle râlait sous les coups d’un indi
vidu à mine patibulaire et à casquette, qui la frappait
avec une violence incroyable. Voyant sa proie sur le
point de lui échapper, le bandit, sans hésiter, tira de la
porhe intérieure gauche de son veston un grand couteau,
comme en portent les bouchers, et, d’un seul coup, il
trancha littéralement la gorge de sa victime, qui bientôt
baigna dans une mare de sang.
Appréhendé aussitôt, l’assassin fit preuve d’un cynisme
révoltant : « Ça lui apprendra, » dit il. C’est toute l’expli
cation que put
tirer de lui l’actif
commissaire de
police du quar
tier, M. Goujon,
qui mène l’en
quête. L’identité
du meurtrier a
pu être établie.
C'est un nommé
Pomponeau Isi
dore, soixante-
trois ans, demeu
rant en garni à
Pantin, rue de
la Voie-Jaune, 31.
Les renseignements recueillis sur son compte sont
déplorables. Il devait deux termes à son logeur.
On se perd en conjectures sur les causes exactes de cet
horrible drame : Notre enquête personnelle nous a per-
L’assassin à 21 ans
pendant son congé au' 182 e à Barbyzon.