m
niser dans la création de ce fait nouveau qu’il
est en train de produire. Parallèlement à l’ima
gination, dans le délire la raison monte aux
grandes hauteurs où l’air de la terre se raréfie
et pour respirer il lui faut des poumons spé
ciaux, car s’ils ne sont pas à l’unisson elle
étouffera.
Cette raison contrôle, cette raison écarte les
éléments impurs qui voudraient se mêler aux
autres pour être en bonne compagnie. Elle est
le tamis et l’organisateur du délire, et sans elle
votre poème serait une œuvre hybride, impure.
Et tandis que le rêve appartient à tout le
monde, le délire n’appartient qu’aux poètes.
Une conjonction mystérieuse de phénomènes
aussi libre dans son origine que dans sa cause
immédiate, déclanche dans l’âme du poète
tout un mécanisme de sonneries à répercussions,
et la machine se met en marche, chargée de
millions de calories, de ces calories chimiques
qui font que le charbon devient diamant, car
la poésie est la transmutation de toutes choses
en pierres précieuses.
En résumé, l’état de rêverie existe, il ne se
discute même pas, tous les poètes le connaissent
et l’ont proclamé aussi bien les bons que les
mauvais. Voici comment le définissait M. Sully
Prudhomme qui n’était pas un phare :