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se composeront d’essence de giroflée, d’esprit
de rose et de violette, de lait de licorne, de
souffle de panthère conservé dans une boîte et
mélangé avec du vin de Crète. Nous boirons de
l’or et de l’ambre jusqu’à ce que le toit tourne à
nous donner le vertige». Ben Johnson n’a pas
vu cela dans un rêve, mais sa fièvre lyrique
a monté par degré, son délire s’est réchauffé
par étape jusqu’à lui permettre de trouver
(avec toutes ses facultés) ces bains de souffle
de panthère.
Je n’oublierai jamais le geste admiratif et
les exclamations d’Apollinaire quand, je lui
ai montré, pendant la guerre, un soir qu’il
dînait chez moi, ces pages admirables de Ben
Johnson, le dramaturge anglais qui eut sur
Shakespeare une si grande influence.
De même dans Rabelais, je me rappelle
lorsque j’étais étudiant d’avoir souligné des
pages étonnantes de non sens, de non sens
voulu, cherché, mais qui donnait à l’esprit un
trouble spécial bien proche du trouble que
doit produire la plus haute poésie.
Vous rappelez-vous, mes chers amis, le
discours du Seigneur de Baiscul dans le cha
pitre IX de Pantagruel :
« Bien à propos passaient six blancs entre
les deux tropiques, vers le zénith et maille,