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comme nouveauté les poèmes faits avec des
mots et des titres découpés dans les journaux.
Je me rappelle qu’un soir, en 1917, à l’atelier
du peintre Juan Gris, nous nous amusions
avec quelques amis à faire des poèmes en écri
vant chacun un vers sur une feuille de papier
et en la passant pliée à son voisin pour qu’il
éîrivit le sien sans lire les antérieurs. L’effet
était assez curieux et parfois même très beau,
mais de cette beauté du hasard dans laquelle
toijours on sentira quelque chose qui manque,
et cette chose n’est que la volonté, la volonté
fatile qui doit traverser comme un fer rouge
d’ui bout à l’autre toute œuvre qui a un élan
d’altitude supérieure.
Pïblo Picasso qui était parmi nous, amusé
par le jeu, se mit à parler d’une machine que
l’on remplirait de phrases et de mots découpés
dans les journaux et qu’on sortirait au hasard
en y nettant deux sous comme dans les appa
reils des bars.
Évidemment, le hasard peut faire des choses...
mais aissi il peut en faire d’autres... Il ne faut
pas accorder plus d’importance à l’élément
imprévi qu’à n’importe quel autre élément de
la poése.
Un autre jour, chez moi, après dîner, nous
fîmes, Hax Jacob et moi, un poème en colla
boration (poème que je conserve encore) en