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On ne finirait jamais de citer des cas sem
blables.
Les mêmes docteurs Antheaume et Dromard
disent dans l’article déjà cité que « l’imagina
tion est la faculté dominante des sociétés pri
mitives, tandis qu’elle s’affaiblit en se décolo
rant à mesure que la raison se perfectionne ».
Pour un poète qui connaît la poésie actuelle
et qui la comprend, cette affirmation est
complètement gratuite, pour lui l’imagination
se perfectionne autant que la raison. L’imagi
nation aussi se fait plus complexe, prend plus
d’étendue, arrive à conquérir des zones insoup
çonnées, de vastes territoires, qui restent fermés
pour de nombreuses périodes aux contemporains
du poète qui, ne le comprenant pas, l’accuseront
de modernisme et d’incompréhensible sans
voir que ces œuvres ne sont que le résultat
d’une imagination perfectionnée.
Peut-être les jeunes savants des générations
suivantes (1) le comprendront-ils, car il sera
devenu plus habituel, plus maniable et alors
ils le citeront dans leurs études en excluant,
(1) Voulez-vous voir la différence profonde qu’il y
a d’une génération à l’autre? Aujourd’hui, André
Breton proclame extasié la nuit des éclairs, hier
M. René Douane dans un numéro de la « Revue des
Deux Mondes » (octobre 1904) protestait indigné
contre l’image superbe d’un Shakespeare écrivant
« dans une espèce d’hallucination, dans une nuit d’où
jailliraient des éclairs ».