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sans sortir du champ de notre expérience, d’atteindre
deux réalités distantes et de leur rapprochement de
tirer une étincelle ; de mettre à la portée de nos sens
des figures abstraites appelées à la même intensité, au
même relief que les autres; et, en nous privant de sys
tème de référence, de nous dépayser en notre propre
souvenir, voilà qui provisoirement le retient. De celui
qu’elle comble, une telle faculté ne peut-elle faire
mieux qu’un poète, ce dernier n’étant pas forcé d’avoir
l’intelligence de ses visions et devant, de toute façon,
entretenir avec elles des rapports platoniques ?
Il nous reste encore à faire justice de plusieurs règles
semblables à la règle des trois unités. On sait aujour
d’hui, grâce au cinéma, le moyen de faire arriver
une locomotive sur un tableau. A mesure que se géné
ralise l’emploi des appareils ralentisseur et accélé
rateur, qu’on s’habitue à voir jaillir des chênes et
planer les antilopes, on pressent avec une émotion
extrême ce que peuvent être ces temps locaux dont
on entend parler. Bientôt l’expression « à vue d’œil »
nous paraîtra dénuée de sens, c’est-à-dire que nous
percevrons sans le moindre clignement de paupières
le passage de la naissance à la mort, de même que
nous prendrons conscience de variations infimes.
Comme il est aisé de s’en apercevoir en appliquant cette
méthode à l’étude d’un combat de boxe, le seul méca-
msme que cela risque de paralyser en nous est celui
de la souffrance. Qui sait si, de la sorte, nous ne nous
préparons pas quelque jour à échapper au principe
d’identité ?
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L’invention de la photographie a porté un coup
mortel aux vieux modes d’expression, tant en peinture
qu’en poésie où l’écriture automatique apparue à la
fin du XIX e siècle est une véritable photographie de
la pensée. Un instrument aveugle permettant d’at
teindre à coup sûr le but qu’ils s’étaient jusqu’alors
proposé, les artistes prétendirent non sans légèreté
rompre avec l’imitation des aspects. Malheureusement
l’effort humain qui tend à varier sans cesse la dispo
sition d’éléments existants, ne peut être appliqué à
produire un seul élément nouveau. Un paysage où
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rien n’entre de terrestre n’est pas à la portée de notre
imagination. Le serait-il que lui déniant a priori toute
valeur affective nous nous refuserions à l’évoquer. Il
est, en outre, également stérile de revenir sur l’image
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toute faite d’un objet (cliché de catalogue) et sur le
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sens d’un mot comme s’il nous appartenait de le
rajeunir. Nous devons en passer par ces acceptions,
quitte ensuite à les distribuer, à les grouper selon
l’ordonnance qu’il nous plaira. C’est pour avoir mé
connu, dans ses bornes, cette liberté essentielle que
le symbolisme et le cubisme ont échoué.
La croyance en un temps et un espace absolus
semble prête à disparaître. Dada ne se donne pas pour
moderne. Il juge inutile, aussi, de se soumettre aux
lois d’une perspective donnée. Sa nature le garde de
s’attacher si peu que ce soit à la matière comme de se
laisser griser par les mots. Mais la faculté merveilleuse,
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Parce que, résolu à en finir avec un mysticisme-
escroquerie à la nature morte, il projette sous nos
yeux le film le plus captivant du monde et qu’il ne
perd pas la grâce de sourire tout en éclairant au plus
profond, d’un jour sans égal, notre vie intérieure, nous
n’hésitons pas à voir en Max Ernst l’homme de ces
possibilités infinies.
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