Volltext: Integral : revista de sinteza moderna : organ al miscarei moderne din tara si strainatate (6/7)

Le tissus simultanâ dc Sonia Dclaunay 
La mode moderne 
Visite ă Sonia Delaunay 
Avec desamis nous montions le coeur â gaz. Tristan Tzara 
nous avait convoqucs pour une rcpetition chez Ies Delaunay 
Des l’entree, ce fut une surprise. Les murs etaient couverts 
de poemes multicolores. Georges Aurie, un pot de peinture 
dans une main, s’appliquait de l’autre â dessinerune splen 
dide clef de sol et des notes ; a cote de lui Pierre de 
Massot tra(;.ait une phrase amicale ; le maître de maison 
conviait tout nouvel arrivant au travail, faisait admirer le 
rideau de crepe de Chine gris, ou Sonia DELAUNAY, sa 
femme, en arabesques de laine, avait, par le miracle d’har- 
monies indefinissables, brode â vif l’inspiration de Philippe 
Soupault, tout son humour, toute sa poesie. 
L’entrain, la belle humeur sont des qualites rares ; lorsqu 
elles resultent d’une activite intelligente on ne saurait leur 
vouer trop de respect; apres cinq minutes passees chez 
Sonia Delaunay, qui n’a pas ete surpris de trouver en so 
plus de conviction, du bonheur peut-etre ? C’est qu’eni'in 
il ne s’agissait plus de discours, de phrases, de l’inevitable 
Jeurre des discussions ou un peu de sophistique triomphe 
si aisement de tout ce qui est direct; vous entrez chez 
Sonia Delaunay : elle vous motnre des robes, des meubles 
des projets de robes, des projets de meubles ; les uns et 
les autres ne ressemblent en rien â ce que vous avez trouve 
chez les couturiers, aux expositions ; en verite, ce sont des 
choses neuves; mais l’impression de jamais vu qui pour 
l’ordinaire s’accompagne de mefiance est ici simplement 
optimiste; vous voyez des choses neuves et deja vous les 
aimez comme des fruits inopines dont la douleur, la sub- 
stance, la forme ne peuvent que tenter ie gout et la curio- 
site. 
Donc, a ceux qui s’ennuient, las des systemes, des poncifs 
ancicn et dernier cri, des faux styles, des journees sans 
lumiere, des vetements en serie ; â ceux qui s’exasperent 
dans leurs maisons banales trop definitivement rangees 
pour qu’un morceau d'etoffe, un coin de mur, une echarpe 
ou un gilet sur un meuble prennent cet aspect touchant, 
humain comme un sourire, simple comme un bel animal; 
ă ceux qui crient leur delresse, noyes sous des flots de 
lame noir et or, ecrases sous les blocs d’une sculpture sans 
espoir ; a ceux qui ne peuvent pl'is supporter l’incommode, 
le grotesque et tous les mensonges inutiles qu’on jette â 
la tete des promeneurs sous pretexte de modernisme; â 
ceux qui se refusent â la vanite d'un verbiage esthetique ; 
a ceux qui veulent voir du travail, de la joie ; â ceux qui 
font du plaisir dans l’actionle meillcur criterium d’une hon- 
netete sans laquelle rien ne se peut serieusement entre- 
prendre ; â tous ceux-la, je conseille: „Telephonez chez 
Sonia DELAUNAY, Elysees 10-88 et donnez-lui rendez- 
vous pour l’apres-midi. Si j'avais le sens de la topographie 
je leur ferais deja la description des lieux; helas, je peux 
seulement dire que la salle â manger est â main gauche ; 
j’ajouterai qu’elle est le domaine de Robert DELAUNAY, 
d’abord â cause de ce bel appetit que Philippe Soupault 
admire et aussi parce qu’il y range ses couleurs ; y travaille. 
La porte du salon est juste en face de la porte paliere; c’est 
sur la porte du salon que Georges Aurie et Pierre de Mas 
sot, lors de ma premiere visite signaient leur passage dans 
la maison, Je les derangeai sans pitie, penetrai dans la 
piece que s’est reservee Sonia DELAUNAY. Cette piece 
n’etait pas encore arrangee; Sonia DELAUNAY n’en avait 
pas eu le temps, et certes, elle n’avait pas un instant songe 
a demander â d’autres de lui chercher des etoffes, de lui 
presenter des meubles ; creatrice, comment eut-elle bien 
voulu qu’un etranger dessinât ses tables, ses fauteuils. Des 
cuoses familieres, des choses de la vie qui sont ses poemes, 
et que, libre de prejuges hierarchiques. elle ne juge pas 
inferieures d’esience aux tableaux. des choses familieres, 
des choses de la vie, comment eut-elle accepteque d’autres 
se pussent estimer responsables ? 
Quand j’entrai, Sonia DELAUNAY linissait de dessiner les 
costumes que nous devions porter au coeur â gaz ; ces 
costumes etaient tres simples, parfaitement raisonnables, 
allais-je ecrire; j’entends qu’ils n’etaient point faits, suivant 
l’expression courante, de bouts et de morceaux; ils etaient 
nes sous le crayon, composes. definitifs ; ils etaient certes 
des costumes aussi peu ressemblants que possible â tous 
ceux qu’on avait jusqu’alors imagines ; leur audace directe 
qui devait d’un seul coup les imposer. Ainsi, une fois de 
plus, fut-il, prouve que la spontaneite de l’inspiration lui vaut 
seule d’etre objective; je m’excuse de tant de vilains mots 
dans une petite phrase ; parler de syntheze immediate ne 
serait guere mieux, mai comment dire que de chaque 
creation, Sonia DELAUNAY fait un tout. II y a la couleur, 
la substance et aussi les muscles et les os ; ses meubles 
ont des squelettes, ses robes ne sont que les pretextes â 
embellir le corps, Sonia DELAUNAY habille et elle 
habille au sens le plus strict; une femme sort de chez 
elle; peut-on preciser si le corps de cette femme fait 
pârtie de ses vetements ou si ses vetements font
	        
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