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L’ŒUF DUR — 13 
Peu de nous songent à suivre dans l’autre sens le boyau étroit, 
et parmi ceux qui y songent, Annie, celui qui, tout près de la 
salle se voit déjà sûr d’en posséder les trésors, se retourne vers 
les autres et crie : « Messieurs, Messieurs, n’allez pas plus loin, 
je touche un mur où je ne vois que des ombres. » 
Nous étions à la pointe extrême de la montagne Annie me 
demanda pourquoi je n’avais parlé que de trésors et de femmes. 
« J’aimerais bien, moi, trouver là des hommes ! » 
Le sol craquait de sécheresse, s’évaporait en poussière. Le 
soleil nous aveuglait, des pierres ou de la mer au loin comme 
des cieux et le vent froid redoublait la brûlure qu’il faisait à 
nos joues. Nous demeurâmes là de longs moments unis par une 
même joie physique, sains, et heureux dans ce paysage d’aimer 
notre santé. Puis nous dûmes descendre. Au village d’en bas 
nous nous arrêtâmes pour prendre un repas. Il y avait en dehors 
du groupe des maisons une auberge avec un jardin et un piano 
mécanique. Nous commendâmes de la viande froide, du pain 
et du vin rouge ; puis, comme la journée, déjà avancée, avait 
amené du peuple en liesse et en humeur de danser nous enten 
dîmes le piano nourri de sons, jouer des airs à peine vieux d’un 
an. Annie me proposa une danse Nous nous mîmes à danser. 
Des couples successivement nous donnèrent de la place. L’obs 
curité possédait à moitié la salle qui puait l’alcool, la pipe et la 
sueur humaine. Nous dansions seuls. Des mains inconnues con 
tinuaient à donner l’aumône au piano. Un cercle nous entoura. 
Femmes et hommes le rendaient de plus en plus étroit. On 
n’entendait aucune parole. Je voyais des yeux trop fixes et 
trop brillants tournés vers Annie. Des mains se crispaient. 
Des bouches s’ouvraient, se tordaient un peu. Il y avait une 
lourdeur brutale tout près de nous. De jeunes hommes tou 
chèrent presque Annie. 
« Assez » 
Annie avait crié ce seul mot au même moment où je cessai 
de danser. Je l’entrainai droit à la porte. On s’écarta pour 
nous laisser passer, avec à peine le frémissement d’une 
hésitation. Nous sortîmes. Alors le soir nous accueillit avec 
douceur et un air pur nous pénétra. 
«Jean-Pierre — me dit Annie — comme vous avez eu le 
regard dur et mauvais quand vous m’avez menée dehors. On 
aurait cru un sphinx. » 
Et elle se serrait contre moi. Vous, ne nous moquez pas, mon 
miroir. 
Mais nous avions oublié la minute du train, et nous gagnâmes 
rapidement la route, où nous arrêtâmes plusieurs voitures
	        
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