L’ŒUF DUR
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tout cléricalisme et le sentiment très vif d’un déisme à peu près
indiscutable. Quand le hasard le menait à l’église, Porchère
y pénétrait avec un mélange à peu près égal de scepticisme et
de respect ; et, assistant à Saint-Sulpice à la messe de la Nati
vité, il y porta dès les premières prières de l’office, une intelli
gence un peu hautaine, mais un cœur sympathique et des sens
agréablement à l’aise.
Justin savourait la robuste beauté et la noblesse delà céré
monie religieuse ; c’était un peu une admiration naïve de rural
pour les déploiement fastueux, mais plutôt une compréhension
familière de ce faste, due à une éducation paysanne. C’était,
fortement enracinée dans l’être, l’habitude de traiter largement
et amicalement avec les choses du clergé, une habitude qui
provenait d’une longue lignée campagnarde sans bâtardise
— peu religieuse au demeurant, — mais d’instinct attachée
au prêtre et au rite. Et Justin recevait cette liturgie catholique
dont il connaissait parfaitement les détails comme un vin fort
et réconfortant.
Toutes les argumentations qu’il avait jadis déployées étaient
atteintes par de cruelles morsures ; plus exactement les quelques
vérités que Justin avait plus ou moins dégagées, appelaient
des compléments charnels, des images sûres qui puissent les
supporter. Ce tempérament solide qui avait jusqu’ici vécu
d’analyses sèches exigeait désormais la synthèse et, d’autant
plus impérieusement que c’était, en somme, toute la physio
logie de Justin, durement secouée depuis quelque temps, qui
la réclamait. Un instant la brutalité de Porchère se déchaîna
pour desserrer l’étreinte religieuse et les grossières ironies
fusèrent ; mais, devant les profondes et les sévères douceurs
qui avaient lentement mûri en lui et qui ressuscitaient épurées
et dominatrices, dans la splendeur de Saint-Sulpice célébrant
la fête sacrée, Justin sentit l’effusion totale faire irruption en
lui, — et ce fut la conquête de Dieu.
Dévotement assis, le corps engourdi et confortable, la bouche
sensuelle, entr’ouverte, revenue aux oraisons, Justin prenait
contact avec une âme calme et à peine plissée, comme une
immense mer d’huile. « Se faire prêtre », pensa Justin, et le
sentiment de cette nécessité s’empara de lui : d’un seul bloc,
toute sa personnalité se réveilla et s’expliqua : sa continence
prenait un sens et cette joie humble et presque triviale qu’il
éprouvait devant les choses s’éclairait par l’image de la Provi
dence (une Providence de couvent, de gravures pieuses et
d’enfant de Marie) que Justin reprenait, réajustait à sa taille,
à sa santé : et, dans ces recoupements, dans cette humiliation
qui d’ailleurs lui coûtait peu, son intelligence revenait à des