La suppression de la logique permet la
mauvaise foi. (Au plus fort de la discus-
sion on peut raisonner rigoureusement,
cela fait toujours impression). De sorte
qu’il est permis de recreer un univers sans
causalite, et de lui appliquer cependant la
causalite. C’est une belle source de diver-
tissement.
11 faut le repeter, les Dadas n’inventent
rien — en cela comme en autre chose. II
n’y a rien ä inventer car on ne peut rien
inventer; il n’y a que des faces differentes
du meme jeu de dominos. La vertu da
daiste est de ne pas chanter la messe. S’il
leur arrive parfois de commencer ä la
chanter, on ne tarde pas ä s’apercevoir
qu’ils ont mis ä l’avance du poivre dans
le ciboire, afin d’eternuer au moment pa-
thetique.
L’Art est une maniere d’utiliser certains
moyens. Cette maniere est de teile impor-
tance qu’on connait la place qui lui est
reservee. Les Dadas sont aussi dans la
danse, mais il n’y a pas de danse dadaiste;
entendez qu’il n’y a pas d’art dadaiste, ni
de maniere dadaiste d’arranger les mots,
les formes, ou les sons. Les moyens
plastiques agissent plus sur la sensibilite
que les verbaux, et pretent plus aux inter-
pretations artistiques. C’est sans doute lä
qu’il fait voir la raison pour laquelle les
dadaistes abandonnent pregressivement ces
moyens et leur preference pour les mots.
Et c’est aussi ä ce peu d’estime pour les
“arts d’agrement“ qu’ils doivent de pou-
voir, sans dons ni specialite, se livrer
irrespectueusement ä tous ceux-lä.
11 n’y a pas plus de lois esthetiques que
de lois scientifiques. Comment peut-on
en passant en revue les productions hu-
maines tirer des lois, qui ne sont que des
paris en faveur de teile ou teile Serie
d’oeuvres, sans montrer uniquement une
aveuglante partialite sentimentale?
tl semble qu’on devrait commencer par
poser l’egalite totale de toutes les oeuvres,
puis si cela peut faire plaisir, en examiner
les caracteres differents, ä la maniere bo-
lanique.
Le fait qu’il existe une oeuvre non con-
forme ä la loi creee detruit evidemment
cette loi. La loi (et nous ne la connais-
sons pas) c’est l’existence meme de t o u t
ce qui existe, et non ce qui devrait exister.
L’activite des curieux peut se borner ä
expliquer ce que cela peut etre: exister.
* *
*
Le manque de merites artistiques de Dada
se pare cependant de magnifiques appa-
rences qui font battre le coeur, brulent les
yeux, et soulevent les cheveux. On se
moque de Dada, mais on l’adore. Entrez
quelque part, dadaiste, une jeune fille vous
eclate de rire au nez, mais dans le fond
vous offre dejä son coeur. Elle dit: Dada
est mort, n’est-ce pas?
Ce serait en effet si joli si enfin Dada etait
mort, et qu’en toute tranquilite une masse
d’arrivistes pouvaient faire du Dada'isme,
comme ils ont fait du cubisme, et speculer
avec l’aide des bonnes ä tout faire de la
critique: ils voudraient savoir une fois
pour toutes la recette.
La jeune fille tremble delicieusement. Elle
voudrait que gä dure toujours — de la
meme main. La mort de Dada. Elle
sourit ä son rouge ä levres. Puis pousse
un cri et agite ses nerfs: c’est qu’elle sent
un petit scorpion entre ses epaules.
Demander si Dada est mort, c’est n’avoir
pas vu, et pour cause, le visage de Dada.
Non, Mademoiselle, Dada n’est pas mort.
Mais il a des boutons.
G. Ribemont^Dessaignes
Musiquc (Musik)
„Dans l’ölögante salle de M. Pierre Chareau,
Herwarth Waiden avait convie une elite de
ses confreres pour l’audition d’importantes
pieces musicales.“ (A. Schneeberger in der
Revue de l’Epoque vom Februar 1922) Auf
deutsch: Herwarth Waiden gab am 20. Januar
1922 in Paris als erster deutscher Musiker
ein Konzert seiner eigenen Tonwerke. (Ver
gessenes Telegramm des Berliner Tageblatts).
„Soiree intime par suite de l’exiguite des
murs, mais la musique sait soulever les
plus lourdes barrieres et Waiden triompha
pres des sinceres amis de la musique.“ Auf
deutsch: Der chinesische Gesandte, der sich
unter den Zuhörern befand, erklärte, dass
er zum ersten Male in seinem Leben im
Stande war, ein Konzert bis zum Ende an
zuhören.
„Ivan Goll avait presente l’artiste dans une
causerie qui, pour etre succincte, n’en