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Les uonies au 
odrirnudie 
Sur la tringle de la cour la petite Marie venait de mettre le linge à sécher. 
C’était une succession de dates fraîches encore : celle du mariage de sa mère 
(la belle robe de noce avait été mise en pièces), un baptême, les rideaux du 
berceau du petit frère riaient au vent comme des mouettes sur les rochers de 
la côte. L’enfant soufflait les fleurs de la lessive comme des chandelles et se 
persuadait de la lenteur de la vie. Elle se prenait de temps à autre à regarder 
ses mains un peu trop roses et se renversait dans l’eau du baquet pour plus 
tard, quand elle aurait une anémone à la ceinture. Il commençait à faire nuit. 
Les précisions des cartes de marine ne comptaient plus guère ; sur les ponts 
tramaient des écharpes de fumée ocre et des adieux. Sur le « sarreau » 
couvert d’étincelles de lait, passent successivement la paresse des distractions, 
la tempête de l’amour et les nombreuses nuées d’insectes du souci. Marie 
sait que sa mère ne jouit plus de toutes ses facultés : des journées entières, 
coiffée de réflexions plus coulissées qu’en rêve, elle mord le collier de larmes du 
rire. Se souvient-elle d’avoir été belle ? Les plus anciens habitants de la 
contrée s’inquiétaient du retour des couvreurs sur la ville, on eut préféré la 
pluie dans les maisons. Mais ce cièl ! Les ruches d’illusions s’emplissent d’un 
poison étrange à mesure que la jeune femme élève les bras vers la tête pour 
dire : laissez-moi. Elle demande à boire du lait de volcan et on lui apporte 
de l’eau minérale. Elle joint les mains avant de prendre une feuille, plus verte 
que la lumière des carafes, pour écrire. Par dessous l’épaule on écoute (les 
anges ne s’en font pas faute, quand ils arrivent guidés par la trace des plumes 
qu’elle ne porte élus) : « Ma petite Marie, tu sauras un jour quel sacrifice est 
à la veille de se consommer, je ne t’en dis pas davantage. Va, ma fille, sois 
heureuse. Les yeux de mon enfant sont des rideaux plus tendres.que ceux 
des chambres d’hôtel où j’ai demeuré en compagnie des aviateurs et des plantes 
vertes. » Le trésor enfoui dans la cendre de la cheminée se décompose en 
petits insectes phosphorescents qui font entendre un chant monotone, mais que 
pourrait elle dire aux grillons? Dieu ne se sentait pas plus aimé qu’à l’ordinaire 
mais le candélabre des arbres fleuris était là pour quelque chose. Il s’y tapissait 
de frivoles démons changeants comme l’eau des sources qui court sur le satin 
des pierres et le velours noir des poissons. A quoi Marie se montre-t-elle 
soudain si attentive ? On est au mois d’août et les automobiles ont émigré depuis 
le Grand Prix. Qui va-t-on voir apparaître dans ce quartier solitaire, le poète 
qui fuit sa demeure, en modulant sa plainte par les rails de perle, l’amoureux 
qui court rejoindre sa belle sur un éclair ou le chasseur tapi dans les herbes 
coupantes et qui a froid ? L’enfant donne sa langue au chat, elle brûle de 
connaître ce qu’elle ignore, la signification de ce long vol à ras de terre, le beau 
ruisseau coupable qui commence à courir. Mon Dieu, mais voici qu’elle tombe 
à genoux et les gémissements se font moins sourds à l’étage supérieur, l’œil de 
bœuf reflète tout ce qui se passe et une âme monte au ciel. On ne sait rien; le 
trèfle à quatre feuilles s’entr’ouvre aux rayons de la lune, il n’y a plus qu’à 
entrer pour les constatations dans la maison vide. 
André BRETON.
	        
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