Volltext: Ça ira (4 = 1920, juillet)

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ÇA IRA ! 
Moi ! moi, 
depuis que des lambeaux vivants de moi se mêlent 
à la terre éternelle, 
je vois mieux, je voix tout, je vois... 
— Que vois-tu? Que vois-tu? Que vois-tu, toi qui vois? 
L’ombre fut dépouillée, entr’ouverte, agrandie. 
Le poing crispé devint la paume qui mendie. 
Et le Vainqueur casqué d’étoiles 
écoutait lui parler la boue et dans un râle, 
la vérité, peut-être immensément brandie... 
Et le Vaincu, mêlé au terreau gras de sang 
disait : 
“ — Les Vainqueurs sont aveugles. 
Ils piétinent les morts et vont le front au ciel. 
Mais nous, nous dans la fange veule 
nous touchons de nos yeux charnels 
toute l’humanité qui se tord et qui meugle. 
O ! Frère qui me hais, dans Torde tournoiement 
de la mort et de la misère, 
avons-nous souffert autrement ? 
Est-ce autrement ? Est-ce autrement 
que nous pleurons au souvenir de nos mamans ? 
Le sang va-t-il vider autrement nos viscères ? 
Serons-nous esclave autrement ? 
Tue-moi* mon frère ! „ 
Une douceur vivante a gonflé cette voix. 
Et le Vainqueur a dit : 
“ — Je vois... „ 
Une clarté naquit. L’orient fut une arche. 
Et le front du Vaincu, soudain, s’illumina. 
Il dit : 
“ — Relève-moi ! Tu soutiendras mon pas 
et je dirigerai ta marche. „ 
Une lueur frôla la vallée. Il semblait 
que la glèbe devînt vivante. 
Ils furent dans l’aube albe où mourait l’épouvante, 
deux Hommes qui allaient. .
	        
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