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ÇA IRA !
NOTULES
Le Salon triennal
Voici donc la première grande manifestation
d’art organisée en Belgique depuis la guerre.
Six ans nous séparent du dernier Salon triennal,
qui eut lieu à Bruxelles en 1914, et depuis lors
aucune exposition d’ensemble n’est venue nous
renseigner sur l'évolution subie par notre école
de peinture' On pouvait donc s’attendre à ce
que le Salon de cette année fût une véritable
révélation et nous donnât un témoignage précis
des crises fécondes que traversèrent les
meilleurs de nos artistes durant les années de
guerre, ainsi que des résultats dès à présent
réalisés.
A Paris, le Salon d’Automne et, mieux
encore, le Salon des Indépendants affirmèrent
cet hiver la belle et définitive renaissance de la
peinture française. Le cubisme et l’expression
nisme y triomphèrent et tout le monde fut
unanime à constater que le nouvel art plastique
avait enfin réalisé une partie de ses promesses
et que grâce à lui un style nouveau est né. La
grande presse elle-même abandonna ses habi
tuels sarcasmes à l'égard des “ fauves „ et des
cubistes et s'efforça avec beaucoup de bonne
volonté — sinon toujours avec compétence —
de commenter et d’expliquer leurs oeuvres.
Tout donnait donc le droit d’espérer qu’il
en serait également ainsi chez nous et que nous
pourrions enfin être à même de constater la
part prise par nos peintres dans cet universel
mouvement de régénération.
Aussi, quel effarement lorsque nous eûmes
vainement parcouru les différentes salles de
l’exposition sans avoir pu y découvrir une seule
toile vraiment représentative des tendances
actuelles de l'art pictural. Certes, nous n’es
comptions point voir les cimaises entièrement
épurées de tout vestige impressionniste ; nous
ne le souhaitions même pas, car nous savons
que chaque période de l’évolution artistique
comporte des retardataires et des précurseurs
et il est logique qu’à une exposition d’ensemble
les deux attitudes soient représentées — ne
fut-ce que pour permettre d’édifiantes compa
raisons... Cependant, nous étions loin de prévoir
cette morne exhibition d’œuvres dont la grande
masse nous reporte à quinze ans en arrière,
Comme rétrospective de l’art impressionniste
et post-impressioniste en Belgique, un assem
blage de cette qualité eut pu présenter quelque
intérêt ; ici le spectateur est malheureusement
trop affecté de savoir que toutes ces toiles ont
été peintes au cours de ces derniers mois et ne
Sont pour la plupart que de vaines et médiocres
redites.
La raison de cette complète absence de toute
œuvre expressionniste ne doit cependant pas
être cherchée fort loin : aucune peinture de ce
genre n’a été soumise au Jury d’Admission. Nos
jeunes artistes ayant constaté que celui-ci com
prenait M. Deckers, fabriquant mielleux de
marbres-fondants, M. Jan De Graef, le dernier
des romantiques, et MM. Hens et Opsomer, pa
triotes brevetés et ennemis notoires de toute ten
dance subsersive y compris le “ bolchévisme pic
tural „, jugèrent superflu d’envoyer leurs toiles
à la Salle des Fêtes pour le seul plaisir de pouvoir
les retrimballer chez eux après le verdict.
Celui-ci était connu d’avance et jamais aucun
de ces Messieurs n’aurait accepté la responsa
bilité de l’introduction scandaleuse de cet art
révolutionnaire dans un Salon officiel. Aussi
nos amis se contentèrent-ils d’envoyer quelques
peintures datant de plusieurs années et dont