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ÇA IRA !
morts ; ceux que la victoire ou la défaite
aveuglent ; ceux que le luxe happe
ignoblement ; ceux qui propagent, à
Taise, la haine des races contre les
races. Les morts sont tombés pour
assurer la justice et le droit. La justice
et le droit sont la paix et la paix est
T amour. Nous chérissons nos père et
mère ; nous léguons notre sang à nos
fils ; nous tenons à nos paysages ; mais
l'Univers est à l’humanité, et ces affec
tions individuelles ne peuvent pas dimi
nuer notre amour du prochain.
Cette passion, qui calme nos âmes, a
été approuvée par les voix françaises
que nous présente “ le Sablier „. Ils
sont quelques uns ; cette élite nous
suffit.
Lisons.
Notre ami René Arcos* dont je citai
deux vers remarquables.
Georges Bannerot* un mort, “ dont
les poèmes exhalent un parfum de
France rustique „.
Banville d'HosteL
L* Charles Baudouin, avec deux
belles pièces : Un cri des entrailles
profondes. Œil pour œil, dent pour
dent.
Mon enfant, mon enfant, si je savais que la guerre
un jour ou l’autre te prendra,
j’aimerais mieux tout de suite t’étouffer dans mes bras.
mais ce cri de la mère douloureuse est seul vrai,
parce qu’il sort de la chair encore déchirée,
parce qu’il est la voix de la vie créatrice,
de l’éternelle et féconde matrice
qui nie et qui renie la mort.
Joseph Billiet*
Loïs Cendré s’adresse aux poètes :
Et vous, ô poètes mes frères, ô les plus manqués des
prêtres !,
Devant cet univers livide, vous chantez encore votre
table et votre lit, les murs de votre chambre, vos
digestions, vos amours,
Au lieu d’allumer une torche immense pour réveiller
au fond du ciel aveugle les étoiles de Dieu.
Chennevière* dans la tranchée, se
renferme en lui t
Celui-ci mourra dès ce soir, et celui-là
Ne mourra pas, mais son voisin sera tué.
Les autres attendront leur tour, car le destin
Et la mort, son amie, auront belle besogne.
Le massacre est prévu, compté, réglé d’avance,
Pour cent mètres de terre et de la gloire en mots.
•Ils sont passés. Il en vient d’autres. Tout se mêle
A la nuit sans étoiles où souffrent des éclairs.
, La mort les imprègne déjà, pareille à l’huile
Qui monte dans la mèche et n’attend que le feu ;
Et quand ils sentiront le sol sous leurs semelles,
Hors du cahotement qui confondait leurs corps,
Ils se détacheront l’un de l’autre, et chacun,
Se réveillant au poids du sac et du fusil,
Songera qu’il est homme, et qu’il s’en va, ce soir,
Vers un bourreau rageant de n’avoir qu’à choisir !
Duhamel* esprit clair, nous offre sa
poignante Ballade de Florentin Prunier.
Edouard Dujardin envoie un dur
reproche aux Allemands.
Luc Durtain a un “ sourire de
blessé „. Il se jure
De ne jamais frapper même
Ses deux mains l’une dans l’autre,
Pour les garder toujours prêtes
A se tendre secourables.
Louis de Gonzague-Frick se con
fine dans la poésie.
Jouve est grand. Il est blessé profon
dément. Son lyrisme est large et ses
paroles inquiètent.
On verra les vieux morts tronqués
Monter la garde imaginaire
Sur la terre de leurs boyaux,
Attendant leur liberté.
Marc Larreguy de Civrieux* mort
à Verdun, engage à l’oubli et réclame
la paix pour les morts.
Marcel Martinet s’adresse aux
jeunes d’Allemagne. Aussi, le tragique
poème : Ce quai....
Sous les feuilles mortes, séchées, pourries
Que le vent d’octobre entasse aux fossés,
Pourris dans leur lit de feuilles rougies,
Les cadavres froids de vos bien-aimés.
Claude Roger Marx a des accents
touchants.