Full text: Ça ira (2 = 1920, mai)

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ÇA IRA ! 
et nous nous excusons de cette simple citation 
auprès du lecteur. W.K. 
* 
* * 
Les Indépendants (1884-1920), par Gustave 
Cocquiot, Paris, Librairie Ollendorff. 
C'est une tentative audacieuse qu’essayer 
d’écrire, à l’heure actuelle, un livre sur les 
membres les plus importants de la Société des 
Artistes indépendants. Car, c’est vouloir dé 
crire le dernier quart de siècle de l’histoire de 
la peinture française, c’est-à-dire, une période 
extraordinairement agitée, dont le tumulte n’a 
fait que croître au cours de la dernière décade 
et qui a fini par aboutir au chaos actuel. Celui- 
ci est dû probablement au caractère transitoire 
du stade de développement qui a été atteint et 
c’est ce qui rend l’analyse de ce moment de la 
peinture française d’autant plus hasardeuse. Il 
est difficile de critiquer un mouvement qui 
s’est encore incomplètement manifesté et d’en 
tirer des conclusions. 
C’est cette difficulté que M. Gustave Coc- 
quinot, dans le livre qu’il vient de consacrer 
aux “ Indépendants „, n’est pas parvenu à 
surmonter ; disons même qu’il n’a pas osé 
l'aborder de front. Il s’est borné, après avoir 
rapidement exposé les origines de la Société, 
à réunir de brèves notices sur les différentes 
personnalités du Groupe. Son ouvrage em 
prunte ainsi les allures d’un dictionnaire, tous 
les noms cités étant groupés par tendances et 
par ordre alphabétique — pour ne froisser 
personne.... 
Il est superflu de faire observer ce que pareil 
classement a d’artificiel et de dispersé, alors 
qu’il eut été si simple de ne considérer que les 
deux tendances essentielles, l’impressionniste 
et l’expressionniste, à l’une desquelles tout 
peintre moderne peut être rattaché. 
Les jugements que M. Cocquiot émet sur les 
artistes qu’il passe ainsi en revue sont parfois 
assez superficiels. Ce sont ceux de l’amateur, 
qui aime “ le moderne ,, mais qui n'en apprécie 
que le côté extérieur, dont la nouveauté le 
charme. Presque toujours, d’ailleurs, l’auteur 
dose ses critiques d’après la plus ou moins 
grande satisfaction de sa rétine, sans se préoc 
cuper d’une jouissance plus élevée. C’est ce 
qui est cause de l’injustice de certaines de ses 
appréciations et lui fait dénigrer, par exemple, 
de façon excessive les œuvres austères et âpres 
des peintres néo-classiques et cubistes. Il leur 
préfère les derniers adeptes de l’Impressio- 
nisme “ qui aiment tout bonnement chanter, se 
gargariser des couleurs comme on le fait des 
notes, et qui n’en sont pas encore au charabia 
scientifique, à l’exégèse des formes, à la cons 
truction super-géométrique des plans, aux 
trouvailles de la perspective sentimentale, aux 
conflits picturaux et à l’arrangement des 
panoplies. „ 
On le voit, M. Cocquiot est encore de ceux 
qui sont convaincus que le cubisme n’est 
qu’une vaste mystification, un colossal bateau, 
auquel se sont laissés prendre quelques gobeurs. 
Pour lui, Pabîo Picasso n’a guère recruté “ que 
de bas huiliers, que d'indigents balourds à 
peine sortis des mamelles ! „ En tout cas, s’il 
en était ainsi, nous pourrions nous vanter 
d’avoir assisté à un phénomène unique dans 
l’histoire du monde, car peut-on concevoir 
chose plus extraordinaire qu’une mystification 
qui dure plus de dix ans et qui, quoiqu’en 
puisse penser M. Cocquiot, n’est pas encore 
près de finir ? 
Pour le surplus, le livre est écrit avec beau 
coup de verve, encore que cela lui confère 
souvent un caractère quelque peu hâtif. Bien 
entendu les anecdotes ne manquent pas et bon 
nombre de pages contiennent d’amusantes 
évocations de souvenirs — souvenirs généra 
lement pittoresques et précis, l’auteur ayant 
assidûment fréquenté les milieux dont il nous 
parle.
	        
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