Volltext: Ça ira (2 = 1920, mai)

ÇA IRA ! 
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-tes sont lents et purs, l'expression mobile 
et finement ironique, la parole douce et 
brève. 
Le cadre unique de l’atelier accentue 
encore la troublante impression que 
produit cette mystérieuse personnalité, 
La lumière, tamisée par les rideaux des 
fenêtres, éclaire vaguement un grouille 
ment inimaginable de bibelots et de 
poteries de toutes sortes. Des delft pré 
cieux, d'antiques porcelaines flamandes, 
de belles potiches japonaises y voisinent 
avec de vulgaires verroteries et des 
vases dénués de toute valeur, mais qui 
charment le regard par leur éclat parti 
culier ou leur forme inattendue. Sur des 
guéridons, de superbes coquillages font 
éclater leurs pâleurs nacrées. De somp 
tueuses tapisseries alternent curieuse 
ment avec de vieux chiffons, dont les 
couleurs fanées se parent parfois de 
subtils reflets. Sur des chaises, de vieilles 
robes de satin dégagent un délicat 
parfum de choses surannées. D'horribles 
masques, bizarrement surmontés de 
coiffures anciennes, grimacent dans des 
encoignures sombres, à côté des formes 
frêles et blanches de petites statuettes 
antiques. 
Tout cela forme un extraordinaire et 
paradoxal assemblage, qui tout à la fois 
étonne et captive.... 
Mais ce qui plus que tout attire le 
regard, ce sont les toiles innombrables, 
éparpillées dans tous les coins. Elles 
tapissent les murs, surchargent les chai 
ses et les commodes, encombrent le 
plancher. D'aucunes, les plus favorisées, 
sont entourées d'un humble cadre de 
fortune, d’autres sont fixées à la mu 
raille à l'aide de quelques punaises, 
d’autres encore, détachées de leurs 
châssis, sont enroulées en gros paquets 
et s'étalent négligemment à terre.... Et 
quelle stupéfiante variété ! Il en est de 
lumineuses, au coloris chatoyant, qui 
sont toute allégresse et toute gaieté ; 
il en est de sombres et de cruelles, dont 
la vue suggère un mystérieux effroi. 
De morbides virions d'un monde où 
grouille un peuple de squelettes et de 
monstres difformes, contrastent violem 
ment avec les coquillages irisés des 
nature-mortes et les délicates idylles, 
dont les personnages — ballerines 
légères, pierrots et colombines — s'agi 
tent élégamment au milieu d'un paysage 
de rêve. De larges fresques, dont l'une 
représente une impossible procession 
biblique s'avançant au milieu de la 
populace de Bruxelles, couvrent des 
murs entiers. En regard, de minuscules 
eaux-fortes contiennent, dans leurs petits 
cadres dorés, d'interminables multitudes 
gothiques.... 
Et, devant cette oeuvre constituée 
par des contrastes d'une telle intensité, 
l'esprit dérouté ne peut comprendre que 
les divers éléments en soient issus d’un 
même et unique créateur. Ce vaste 
ensemble ne se laisse enfermer dans 
aucune formule et se dérobe à toute 
analyse systématique. Les tendances les 
plus diverses, les plus opposées même, 
s'y coudoient, mais au lieu de se com 
battre, s'harmonisent pleinement. Un 
réalisme âpre y est mis au service d'une 
imagination effrénée, hantée par les 
fantastiques visions d'un monde supra- 
terrestre. 
Ainsi l'art d'Ensor allie en lui les 
aspirations mystiques des Primitifs et le 
plantureux sens du réel des maîtres de 
la Renaissance flamande. Et, à ces
	        
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