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ÇA IRA !
une bande de bouleaux, macabres
pierrots, tout blancs sous la lune, qui
semble un chef d’orchestre ayanttropbu.
Jazz-band sarcastique — débandade
folle — Un souffle, le trou d'un tunnel :
plus rien.
mai 1920 Jean KAROL
Depuis quelques temps, nous assistons
à un regain de la vieille conception
romantique de l’art social, éducateur
des masses et dispensateur de beauté
accessible à tous. De nombreux peintres
et esthètes, aspirant à se mettre entière
ment dans la note du jour, se figurent
utilement servir les nouvelles doctrines
humanistes en préconisant à l'artiste de
se placer au niveau de la foule ; son but
suprême, disent-ils, doit être de “ servir „
son semblable en le faisant participer
aux richesses dont son âme est pleine.
Une telle idée est fausse et dérive d’un
idéalisme à la fois puéril et vieillot. Le
peintre qui se laisserait guider par elle
ferait montre d’un opportunisme qui est
tout aussi funeste en art qu'en politique.
Intransigeance implacable, radicalisme
poussant les principes jusqu’à leurs
conséquences extrêmes, voilà la seule
tactique salvatrice en tous domaines.
L’artiste doit accomplir son œuvre sans
se préoccuper si toutes ses intentions
seront comprises. Aucune concession
à. l’absence de culture du public ne lui
est permise. Autrement il aurait bientôt
fait de perdre les richesses dontildispose,
en les dispersant Sans profit'aucun pour
personne. Il faut qu’il concentre au plus
profond de lui-même le précieux trésor
de ses pensées et de ses sensations. C'est
alors le devoir du spectateur d’essayer
de s’éclairer d’un reflet de cette lumi
neuse sensibilité.
Et voilà définie une excellente règle
permettant de distinguer le peintre de
valeur, replié sur lui-même et soucieux
de ne pas appauvrir son art par d’oiseux
bavardages explicatifs, de l’artiste beau
parleur, qui étourdit ses auditeurs au
moyen d'étincelants commentaires mais
qui y dépense le meilleur de sa verve et
de ses ressources.
Paul joostensn’est pas de ces derniers.
Chez lui, nul gaspillage d’énergie
créatrice dans l’édification de vaines
théories, dépourvues de tout intérêt
plastique; pas d’attitude à.priori devant
le problème de la vie, ni de dogmes
préconçus adoptés à 1a. suite de lectures
mal digérées. Paul joostens coudoie les
hommes et traverse la vie en silence,
sans un geste, sails une parole. En
apparence, il semble ne pas réagir au
contact des êtres et des choses — mais
s’il s’interdit ainsi toute manifestation
extérieure de ses Sensations, c’est pour
mieux les garder intactes en lui-même,
pour pouvoir les mûrir à son aise et les
réaliser pleinement au moment de la
création. Toute cette force vivante qu'il
a lentement emmagasinée se déten d alors
et se projette sur ses toiles. Mais cette
phase-là nul n’y assiste et ainsi nous ne
connaissons de Joostens que son mu
tisme, son regard halluciné et ses allures
discrètes de contemplatif qui dédaigne
de se mêler à l’agitation du monde qu’il
interprète. Mais nous avons son œuvre
et elle nous revèle lumineusement les
aspects les plus secrets de cette forte
vie intérieure.