Volltext: Ça ira (6 = 1920, septembre)

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ÇA IRA ! 
programme, nous le savons, est à leurs 
yeux un ensemble d'illusions et de con 
ventions, ils prennent la défense d'un 
sophisme contre la réalité et contre 
l'évènement). Mais la signification de 
leur geste leur échappe, et les meilleurs 
d’entre eux ne se rendent même pas 
compte, peut être, qu’elle est tout entière 
dans leur volonté obscure de résistance 
aux caprices des évènements 
* 
* * 
]’ai dit ailleurs qu’un conflit latent 
mettait aux prises les historiens et l’his 
toire ; — les uns qui sont des éxégètes 
des faits et des mauvaises déductions 
qu’ils ent tirent, l’autre étant toute en 
tière esprit. Je dirais volontiers, pour 
m'expliquer davantage, que les histo 
riens comme les politiciens ravalent la 
réalité à la taille des évènements et 
qu’ils sont incapables de voir, à travers 
ceux-ci, ou au dessus d’eux, la réalité 
souveraine. Les historiens épiloguent 
sur les évènements, l’histoire repose sur 
la réalité. Or ce sont là des termes et 
des forces contradictoires. 
Je prendrai des exemples pour mieux 
expliquer ma pensée, et puisque nous 
vivons à une époque aussi favorable à 
la méditation, j'en prendrai de contem 
porains. Ainsi la renaissance de la 
Pologne, ou la création de la Tchéco 
slovaquie sont des évènements mais non 
des réalités. La Pologne fut jadis une 
réalité, — en fait, bien vacillante — et 
qui se décompose peu à peu, moins par 
les conquêtes de ses voisins que par 
l'affaiblissement et la lente déconfiture 
de ses facteurs intimes. Supprimée, elle 
ne survécut que dans le cœur de quel 
ques hommes, assez généreux, assez élo 
quents, et — disons le — assez héroïques 
pour donner du relief à ce sentiment. 
La nécessité d’une Pologne ne se fai 
sait pas sentir dans le cadre européen, 
et c'était une preuve que sous une belle 
légende et des discours pathétiques, 
aucune réalité polonaise ne s’affermissait 
plus. Le traité de Versailles a rendu la 
vie à la Pologne ; au début de la guerre, 
tous les monarques intéressés à se créer 
des sympathies dans le monde firent 
déclarations sur déclarations pour pro 
mettre à la Pologne une renaissance 
magnifique. C’était un cri sentimental 
jeté dans la tempête sentimentale de la 
guerre. Après l’armistice, on se crut 
obligé de réaliser la promesse. Parce 
qu’une Pologne avait existé jadis, on 
en recomposa une, de toutes pièces, ar 
tificiellement. (On la refit, d’ailleurs parce 
que les espoirs capitalistes lui assignaient 
un rôle de gendarme). Le résultat ne se fit 
pas attendre : nid d’intrigues et de 
passions exaspérées, sans existence na 
tionale, sans frontières positives, sans 
rythme, sans organisation, — sans réa 
lité, en deux mots — la Pologne se débat 
contre une mort violente, et même si le 
sort lui permet de trainer une vie pitoy 
able, elle sera asservie moralement aux 
peuples occidentaux, et économique 
ment à ses voisins. Sa reconstitution fut 
un évènement, c’est à dire une création 
d’hommes d'Etat et d’historiens, que 
l'histoire négligera. 
Poussons plus loin l’exemple : les rares 
états ou groupements qui ont un pro 
gramme international, — l'Italie et les 
travaillistes anglais, entre autres — ne 
se soucient pas de l’évènement polonais 
et restent attachés à la réalité russe, ou 
plutôt à la réalité européenne, d’équi 
libre, de liberté et d’entente économique.
	        
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