Volltext: Ça ira (6 = 1920, septembre)

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ÇA IRA ! 
moi, le rôle de la vraie politique sera tou 
jours de dégager la marche des Etats 
des compétitions furieuses du sentiment, 
— acharné beaucoup plus, d’ailleurs, à 
sa victoire qu’à leur perte — et d’épou 
ser la stabilité et le rythme paisible de 
la raison. Certes aucun gouvernement 
n’avouera jamais qu’il choisit ou accepte 
comme guides les puissances d’enfer 
dont je parlais plus haut. Mais il accep 
te, pour assurer sa marche et la diriger, 
le bâton des évènements et il faudrait 
bien qu'on se rendît compte que les 
sentiments et les évènements sont une 
seule et même chose, ou, du moins sont 
liés comme les causes aux effets qu'elles 
entrainent. 
L’esprit d’une autorité souveraine 
doit être d’opposer le bien des peuples 
et leur essence à tout ce qui s’acharne à 
les compromettre pour s’assurer un 
profit ou un avantage partiel. La réalité 
indique la direction qu'une politique 
digne doit suivre. Incapable de se dé 
fendre soi-même, elle souhaite que les 
gouvernements l’adoptent et soient ses 
champions. Leur programme, quand ils 
en ont un, ne peut être que la reconnais 
sance et l'application de ce qu’elle exige 
et la résistance ouverte aux forces 
hostiles dont les événements révèlent 
avec opinâtreté les aspirations. Leur 
programme doit être la lutte contre les 
évènements au nom de la réalité (c'est 
à dire contre le sentiment au nom de la 
raison) car le salut du monde en dépend. 
S’ils ne le font pas, la révolution est 
légitime pour le peuple. Elle constitue 
selon la clause des Droits de l’Homme, 
“ le plus sacré des Droits et le plus 
impérieux des Devoirs,,. L’Irlande avait 
le droit de se soulever contre l’Angle 
terre, et les foules d’occident, en s’insur 
geant contre leurs chefs, s'ils veulent 
empêcher (par exemple) l’Autriche alle 
mande de s'unir à l’Allemagne ou la 
Russie de prendre sa place définitive 
dans l’équilibre européen, ne feront 
qu’accomplir leur devoir. Quand le 
peuple impose une réalité à un gouver 
nement qui l’oubliait ou la méprisait, il 
fait un acte sacré. 
Il faut en effet se rappeler que la base 
de réalité n’existe pas seulement dans 
l’ordre politique international, mais aussi 
dans l’ordre social et économique. Les 
révolutions, dès lors, sont le refus du 
peuple de souscrire aux conditions de 
la vie sociale où veut le tenir un gou 
vernement incapable ou trop faible, 
aussi bien que son refus de disparaître 
au profit d'un voisin plus puissant ou 
celui d’accepter une vie artificielle, selon 
la fantaisie de quelques diplomates. 
Il est logique, quand l’autorité cen 
trale n’a pas de programme, qu’une 
autre autorité qui en a un, se substitue 
à elle. Il est compréhensible que le joug 
des évènements soit léger à ceux qui en 
profitent, mais intolérable à ceux qui en 
souffrent, — léger à ceux au bénéfice 
(moral ou matériel) desquels il est 
reconnu, mais intolérable à ceux au 
détriment desquels il est établi. 
Il est possible, quand on a compris 
ceci, de comprendre pourquoi certaines 
révolutions sont plus faciles à accomplir 
que d’autres, pourquoi certaines révolu 
tions se sont imposées plus énergique 
ment que d’autres aux peuples qui les 
ont faites. Certaines réalités, en effet, 
sont plus aisément contrôlables et plus 
générales. D’autres ne manifestent pas 
leur urgence aux yeux des masses, avec
	        
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