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ÇA IRA !
trouve, à l’heure actuelle, dépourvu de tout
courage, car la faim à tué en lui jusqu’à la
rage du désespoir. Mais la solidarité des
travailleurs des autres pays pourrait bien se
manifester un jour, et ce serait la fin, dans
l’Europe entière, du règne des exploiteurs
capitalistes. On pourrait instaurer, bien
entendu, une Terreur blanche quelconque,
mais il ne faut oublier que s’il est aisé de faire
massacrer de centaines d’hommes, il est
impossible d’assasiner l’Idée ; une fois née,
l’Idée vivra, en dépit de tout ce que l’on
pourra faire pour étouffer son épanouissement.
Les “chercheurs d’or„ sont ces vampires, de
nat onalités diverses, qui s’abattent sur la
malheureuse Au riche pour en sucer la dernière
moëlle. Le livre, encore que d’une remarquable
sobriété, trace un tableau vivant de la capitale
déchue, où les chercheurs d’or se sont sentis
attirés par l’appât du gain. Pierre Hamp, l’un
des grand écrivains de l’époque présente, a
retrouvé dans ce roman toute la force, toute
la sincérité âpre qui a fait admirer “Le Rail,,,
et nous ne pouvons que l’en féliciter.
Jacques LOTHAIRE.
Stendhal
et la rectification de l'enthousiasme
par Léon CHENOY
(suite et fin)
La distance sociale existante entre
le fils du charpentier Sorel et le v fils du
marquis Valserra del Dongo, met tout
de suite entre eux d’infinies différences
d’éducation, de milieu, de préoccupa
tions habituelles. C'est-à-dire, tout
compte fait, d’essentielles oppositions
de caractère. - Julien, sans doute, a plus
de force, plus d’énergie plébéienne, et
les mouvements de son âme ont une
vigueur que n’ont pas ceux de Fabrice,
lequel montre plus de naturelle noblesse
et d’élégance morale. Il y a chez Julien
des moments de dépression et d'hypo
crisie dictés par sa situation, et que ne
connut jamais le neveu de la Sanse-
verina. Julien passera des nuits à
s’enfiévrer pour ses projets ambitieux.
Pour Fabrice, quoi de plus inutile : tout
le monde se charge pour lui, de le
conduire aux premières dignités. Cela
fait qu’il est dépourvu de ce fort instinct
de lutte qui jamais ne sommeille chez
Sorel. Par contre, quelle fine âme, quelle
noble attitude il possède! Il sait se
ménager d’exquises minutes, interdites à
l’esprit toujours tendu d’un arriviste,
fût-il de génie. Rappelons-nous cet
épisode vraiment beau du soir où le
marchesino, assis sur un rocher au bord
du lac de Côme, est indiciblement ému
par la beauté du paysage d’arbres et
d’eaux, pacifiés par la nuit. “Le silence
universel n’était troublé, à intervalles
égaux, que par la petite lame du lac qui
venait expirer sur la grève,,. Et Fabrice
prend de hautes résolutions, de généro
sité et du courage, relatives à son
affection paur la comtesse. La majesté
du site, les sentiments délicats et supé
rieurs qui l’animent alors, tout s’unit
pour lui procurer une de ces heures
d’enthousiasme juvénile qui brillent
parmi les plus chers souvenirs....
La nécessité avait rendu le caractère
de Sorel presque incompatible avec la
sérénité, avec la détente de semblables
moments.