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ÇA IRA !
Pourtant la poésie conserve des
thèmes éternels. Nous examinerons
dans ses grandes lignes l'état du senti
ment profane et religieux dans le trouble
de l’heure présente.
Aboutissons : La poésie en reflétant
l’instabileté du monde moderne, veut
atteindre au moi intégral. Elle devient
de ce fait collective parce qu’elle est
liée étroitement aux évènements poli
tiques qui agitent les masses.
Les poètes interrogent l’avenir et il
n'y a pas de doute que les énergies
futures nous viendront de la confusion
russe plutôt que de la suffisance fran
çaise. Il est impossible de restaurer l’idéal
ancien — les poètes se sont libérés de
toutes les entraves et sont décidés à
secouer la malédiction qui pèsent sur
eux. Ils dansent follement sur les ruines
de l’idéal ancien pour y subitituer
l’esprit nouveau.
La poésie actuelle se plaît aux brèves
notations et a rompu avec toute espèce
de réttrorique. Rédiger signifie réduire.
Jamais la poésie n’a cependant été aussi
expansive. Elle demeure supérieure à la
prose non plus parce qu'elle constitue
un travail plus savant. Mais au con
traire parce que la prose est encore
sujette à quelque élaboration, tandis que
la poésie s’abandonne à tous les sur
sauts du hasard. Elle fuit toute pose.
C’est une poésie proprement instan-
tanéïste.
Elle répond à l’angoisse philoso
phique de l’heure actuelle par la
fulguration des idées et des couleurs,
par l’explosion des sens et des sons. La
terre est pleine de richesses qui se
renouvellent perpétuellement et le poè
me veut s’appropier ces énergies tellu
riques. Les poètes, en suivant ainsi leur
instinct, ont l’air de gaspiller leur talent,
mais au fond ils l’exploitent plus
largement que jamais. La poésie cesse
d’être extra-humaine, elle évolue entre
le nihilisme et le panthéisme et se porte
indistinctement sur toutes choses. Les
poètes entraînent la poésie par les pires
dissociations d ’ idées jusque dans le
plasma de l’incompréhension univer
selle. Une sincérité daigue est la seule
arme qu’ils possèdent. Ils ont foi dans le
coup de dés des mots et réduisent le
langage jusqu’à l’onomatopée. Ils renon
cent à tout patrimoine intellectuel afin
d'arriver à une possession plus com
plète du monde. C’est cet état d’esprit
qui fait dire à André Salmon :
Le plomb des imprimeries s’écoule comme un fleuve,
pour fondre l’alphabet des humanités neuves.
à Guillaume Apollinaire :
Mais riez, riez de moi
Hommes de partout et surtout gens d’ici,
Car il y a tant de choses que je n’ose vous dire,
Tant de choses que vous ne me laisseriez pas dire,
Ayez pitié de moi.
à Biaise Cendrars :
“La poésie date d’aujourd’hui.,,
et à Jules Romains qui, après avoir dans
„La Vie Unanime,, cédé à de chères
illusions, s’écrie dans “Europe,, son
dernier livre des poèmes :
Nous avons cru en trop de choses,
Nous les hommes de peu de foi.
PAUL NEUHUYS.
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(a suivre).