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besoin de classer avec netteté, chose qui devient d’une prodigieuse
difficulté en fonction d’une donnée dont personne n’a donné jusqu’ici
une définition satisfaisante.
Neuhuys précise donc dans la poésie moderne certaines tendances
assez différen ciéespour être limitées. Son ordre d’étude est excellent.
Partant d’Apollinaire et après avoir montré le sens de la pensée
poétique chez André Salmon, Max Jacob, Biaise Cendrars, Jean
Cocteau et Paul Morand, il place en opposition avec ces disciples de
la recherche individualiste poussée jusqu’à la bizarrerie (peut-être
géniale) de certains, cet ordre vigoureux et puissant qui sert de fon
dations à l’Unanimisme et à ses proches. Jules Romains, Charles
Vildrac, Georges Duhamel, L. P. Fargue, René Arcos sont analysés
avec finesse et intelligence. Dans le même chapitre, Neuhuys a
placé André Spire (il eut pu lui joindre Edmond Fleg) Luc Durtain
et Drieu la Rochelle plus P. y. Jouve qui est le dernier des prophètes
et dont la poésie n'a sans doute aucun analogue. Mais il était
difficile de créer des écoles pour Durtain et Drieu la Rochelle, qui
s'éditent dans le milieu unanimiste et profitent de l’opinion générale
touchant l’école Romains-Vildrac-Duhamel.
Ensuite, Neuhuys vient à Dada. Il en dit des choses sensées, mais
ingrates à préciser dans une forme systématique. Picabia est-il un
poète tragique ? sans doute, car du “tragos,, grec il porte la salacité
cocasse et divertie dans ces fantaisies réversibles. Tzara est-il, comme
le disait jadis savamment Jean Paulhan, “pur de foutes intentions „ 1
Ce serait en ce cas le seul Dadaïste authentique. André Breton,
Philippe Soupault et Louis Aragon sont-ils des métaphysiciens du
point géométrique et des relativistes de l’onomastique considérée
comme une dimension de l’esprit humain ? Voilà une question. Il
faudrait consulter la sibylle de Panzoult qui, depuis Rabelais a rem
placé Dodoné, Cumes et Delphes, d’autant que déjà dadaïsante, elle
prophétise avec tout autre chose que son visage.
Et pour conclure, Neuhuys étudie quelques poètes originaux, cher
cheurs moins inféodés à une théorie qu’à la passion de s’exprimer en
totalité, quittes à sortir de soi, ce qui est évidemment la seule méthode
d’introspection dont puisse se targuer un Bergsonien.
Voici Nicolas Beauduin. Il crée des poèmes sur trois plans. Ainsi
l’algèbre entre dans le domaine des muses. Nicolas Beauduin résout
sans répit en ses curieuses formes verbales, des équations bicarrées.
Son verbe est à la poésie classique ce qu’est l’édroïde au trièdre.
Pierre Reverdy suit une route particulière et s’efforce à se réaliser