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Baudelaire et de Verlaine en les comparant à d’autres de rimeurs et
compteurs de pieds, mais dépourvus de toute oreille comme il en fut
tant dans notre littérature, comme il en est tant encore. On voit
aussitôt que le vrai poète construit en iamfces, dactyles spondées et
trochées comme il se doit et selon des mesures répertoriables par un
métricien, tandis que les autres.
Et cela explique même ce fait, qui me semble incontestable, que
sans un véritable génie musical instinctif (possible, mais dont je ne
connais aucun exemple), les vrais poètes du passé furent tous des
latinistes. Aujourd’hui, je vois un vrai génie en un petit nombre de
poètes briseurs de vieux moules, mais imbus de culture ancienne, tel
Jules Romains. Il existe pourtant pour nos oreilles éduquées des sub
tilités musicales inconnues des latins. On les cherche et on les met en
œuvre. Ainsi se crée cette poésie disloquée qui sans doute demain...
Renée DUNAN.
PAUL COLIN : Romain Rolland (Ed. Van Loghum, Slaterus &
Visser, Arnhem).
On connaît les inappréciable services rendus par Paul Colin à la
cause du rapprochement international des intellectuels. Depuis trois
ans sa revue combat avec ténacité et clairvoyance. Comme écrivain,
il s'est, en outre, imposé le sacrifice de publier ses ouvrages critiques
à l’étranger, afin de leur faire remplir plus sûrement leur rôle d'agents
de liaison entre les diverses cultures européennes. L’an passé, il
fit éditer coup sur coup : en Italie, “La Belgique après la guerre,, ; en
Allemagne, son ouvrage sur James Ensor ; enfin en Hollande, un
livre sur Romain Rolland, qui s'est rangé d’emblée parmi les meil
leurs qui lui aient été consacrés.
Paul Colin s’est refusé à écrire une minutieuse biographie, farcie
d'anecdotes ou alourdie par de pédantes analyses pseudolittéraires.
Il a préféré indiquer à larges traits quelle fut l'attitude morale de
Romain Rolland tout au long de sa vie, en insistant sur l’inébranlable
constance de son idéal, la défense envers et contre tous de l’indépen
dance de l’esprit. Et il nous démontre ce qu’il a fallu d’héroïsme
véritable pour maintenir intacte cette volonté, qui, n’admettant l’en
trave d’aucun parti, rencontra d’implacables inimitiés dans les camps
les plus opposés.
Le livre de Paul Colin est le témoignage d’admiration de cette,
élite européenne aux yèüx de qui Rolland représente la conscience
vivante de l’Eurôpè. Et bien qüe l’auteur ait soigneusement évité de